100 PRINCIPES POUR L'ÉCOLE - Plan
GENÈSE D'UN LIVRE - Ré-écriture d'un entretien avec Edgar Morin - LE CANTIQUE DES CANDIDES -
PRINCIPES ISSUS DE LA THERMODYNAMIQUE - PRINCIPES ISSUS DE LA BIOLOGIE - PRINCIPES ISSUS DE LA SYSTÉMIQUE
PRINCIPES ISSUS DE LA NEUROBIOLOGIE - NÉCESSAIRE ÉMERGENCE DE NOUVELLES VALEURS - PRINCIPES PÉDAGOGIQUES
PRINCIPES ISSUS DES CONSULTATIONS NATIONALES - DE L'AMOUR
***
INFORMATION ET COMMUNICATION LES
ENFANTS ET L'INFORMATION
Plusieurs années de travail sur l'information avec les
enfants peuvent amener à tirer quelques conclusions. UNE REVUE DE "MÉMOIRE" Les revues de presse sont faites à intervalles réguliers.
Ce qui apparaît, c'est l'écume de l'actualité lue, entendue
ou vue par les enfants. En effet, nous travaillons non sur documents, mais
sur la mémoire des événements. Les enfants retiennent beaucoup de faits
d'une quinzaine à une autre. Il serait intéressant de
savoir ce qui demeure au bout d'un trimestre, de six mois, d'un an. À cet
égard, le rappel des événements de
l'année (civile) au moment des fêtes est un bon exercice. Jean
GORINI journaliste créateur d'Europe 1, fut surpris un jour en flagrant délit d'amnésie
concernant la mort du Caudillo d'Espagne.
Il faut dire qu'en cette année 1975, l'agonie de Francisco
FRANCO BAHAMONDE avait été
particulièrement longue et évoquait irrésistiblement le canard récalcitrant
de Robert LAMOUREUX. Une mort
aussi répétitivement annoncée perd évidemment tout son impact émotionnel.
Le travail est collectif.
Interrogé individuellement, chacun se retrouverait sans doute fort sec.
Mais telle amorce d'information,
même ténue, suscite dans la mémoire des autres une remontée en
surface. Les éléments disparates
finissent par s'articuler et l'information apparaît dans une clarté
relativement satisfaisante. UNE ACTUALITÉ SANS RELIEF MAIS PAS SANS OUBLIS NI
OBSESSIONS Grâce à la mise en page, à la titraille, à
l'iconographie, l'information contenue dans la presse écrite est hiérarchisée.
Le fait divers est relégué en pages intérieures alors que le scoop fait
la une et l'objet de développements et d'éditoriaux accompagnés d'une large
documentation. Les magazines radiophoniques ou télévisés essaient
de mettre en forme le magma informationnel : structuration de rémission, rubriques
personnalisées, alternance de reportages et de talk-shows, jingles, etc...
qui sont l'équivalent audio-visuel de la police d'imprimerie, de la
graisse de la typographie, du dynamisme de la mise en pages. Or,
les enfants n'écoutent ni ne voient ces magazines. Ils écoutent les
flashes d'information et éventuellement
regardent les journaux télévisés. Ici, la mise en forme est pauvre,
ritualisée (la grand-messe du
20 heures ! "). Les éléments d'information se succèdent sur le même
ton, sans transition, sans dramatisation.
Les images sont souvent peu signifiantes et quasiment interchangeables.
Les news ont adopté universellement un profil bas, une pédagogie
minimale. Le style de présentation est uniforme, conforme
aux textes sans saveur écrits pour le prompteur. On peut même se poser
la question de la légitimité
des "stars" du petit écran quand il apparaît si facile de
remplacer OCKRENT par AUGRY ou SANNIER par Hervé CLAUDE. (Ces
remarques valent pour 2006, il suffit de remplacer les noms cités par
ceux plus actuels)... En quelques minutes, l'auditeur ou le téléspectateur
passe de la catastrophe ferroviaire à
la politique étrangère via l'élection de Miss France. Tout est proféré
dans la même tonalité, avec le résultat des courses, le cours de la
bourse et la météo ou les conseils de Bison Futé. Dans cette "neutralité" polie, policée, sans
aspérités, sans théâtralisation (où sont les actuels POTTECHER,
les DARGET, voire les ZITRONE ou les GICQUEL ?), les enfants pourtant
retiennent certaines choses, en scotomisent d'autres. Le rabâchage
n'est pas forcément facteur de bonne appréhension. Des faits divers
entendus une fois seront retenus alors que des événements commentés
pendant plus
de 48 heures, flash après flash, sont complètement engloutis dans
l'oubli : on retrouve là l'amnésie de GORINI. À force d'être entendue, la nouvelle
n'est plus assimilée ; elle devient bruit de fond, musique d'ambiance.
Elle a perdu toute force émotionnelle. L'ÉMOTION, MON CHER... L'ÉMOTION !!! (Louis-Ferdinand CÉLINE) Ce n'est pas pour rien que les faits divers, tragiques ou
insolites, retiennent tant l'attention des enfants. Plus que les faits
politiques, les pseudo-mouvements sociaux, les événements protocolaires
extrêmement codifiés, le fait divers est une tranche de vie vraie,
saignante, mise à vif, exprimant dans toute la force de sa réalité l'incroyable complexité des
phénomènes physiques, sociologiques et psychiques de l'existence.
Le fait divers touche à la naissance, à l'enfance, à l'amour, à
l'argent, à la mort. Le fait divers touche à l'univers des passions, de l'être. Une
conférence de presse du prince est du domaine convenu et convenable du
paraître. Le paraître est aseptisé, neutre, creux, apparemment
raisonnable. L'être
est bouillonnant, conflictuel, impondérable, énigmatique. Il intègre la
folie des vivants. C'est pourquoi les enfants s'intéressent aux faits
divers. Les faits divers parlent aux émotions. Comme Il
ne faut pas s'étonner de l'engouement des enfants pour Salvador
DALI. La "méthode paranoïa-critique", c'est de
l'enfance prolongée et savamment métamorphosée en système
publicitaire, en machine à pomper les dollars et, accessoirement à créer dé l'art.
Les pitreries daliniennes sont du caca-boudin pour adultes et collectionneurs.
DALI est un monstre sacré. Les enfants adorent les monstres. Les émissions
télévisées destinées aux enfants en sont pleines. Et les monstres ne
sont pas forcément ceux qu'on pense. Entre ALF l'extra-terrestre rempli de sentiments complexes
et DOROTHÉE la haut-perchée, où est le monstre...? Le monstre peut rôder dans la rue et, sous une allure
badine, camoufler un égorgeur de petites filles. Fascinant par la terreur
qu'il inspire, le violeur d'enfants est la version moderne du grand méchant
loup, de l'ogre, du croque-mitaine et du loup-garou.
Malheureusement, il n'est pas qu'une créature imaginaire. Mais
son rôle dans l'inconscient collectif, comme figure emblématique de la
sauvagerie, de - selon l'expression favorite et impropre de CHIRAC - la
bestialité, est resté le même. Michel
TOURNIER développe une théorie intéressante. Le talent du conteur,
de l'écrivain fait reculer la cruauté du tyran. Shéhérazade
échappe à la mort en régalant le sultan sanguinaire de contes et de féeries pendant mille et une nuits. Selon TOURNIER, si HITLER, STALINE,
KHOMEYNI avaient eu près d'eux des conteurs de talent, si les écrivains
ne s'étaient pas "couchés" devant leur pouvoir, ces dictateurs
n'auraient pas eu la moindre chance. On peut imaginer que si la télévision
savait encore raconter de belles
histoires, enfants et violeurs, captivés par le petit écran, resteraient
benoîtement devant leurs récepteurs... L'intérêt des enfants par le fait divers sanglant ou
carrément monstrueux relève de la même attirance-fascination-répulsion-jouissance
qu'on éprouve à la vue des films d'épouvanté. Tous les tabous volent
en éclats. On peut dénoncer le film d'horreur comme étant trop
horrible, insupportable, immoral. Tout en le regardant. Car le fantasme
n'est plus celui du spectateur - du coup non seulement innocenté mais
pouvant revendiquer le statut de victime - c'est celui du metteur en scène
(au sens propre). Les enfants n'échappent pas à cette hypocrisie des
adultes et des censeurs. LES ENFANTS ET L'INFORMATION
: LES MYTHES PÉDAGOGIQUES. Si
les médias conditionnent la population, - ce que contestent certains
auteurs comme François
de CLOSETS
- alors, il vaut mieux connaître les ficelles, les coulisses, l'éventail
des techniques. La magie disparaît mais la connaissance augmente.
Les enfants avertis savent ce qu'est un travelling, un panoramique,
ils décortiquent tels effets spéciaux. Le magnétoscope est un bel outil
d'analyse. Il y a vingt-cinq ans le moindre spot publicitaire
exigeait au moins 90 secondes. Aujourd'hui, une histoire complète
est racontée en 10 secondes. Les enfants savent admirablement LIRE
l'image et cela quelquefois, au détriment
du texte. Fabriquer un journal, utiliser des logiciels de traitement de
textes ou de P.A.O.,
manier une caméra vidéo permet de s'approprier l'outil et de surpasser
parfois les professionnels. Certains
ministres ont compris qu'il valait mieux être interviewé par des
journalistes de métier que par
des enfants redoutables de l'école de la rue de Vitruve
à Paris... L'outil devient souvent efficace quand il permet une sorte
d'introspection individuelle ou sociologique. Le
regard de la classe (ensemble adulte + enfants) sur elle-même par la
tenue d'un journal de bord ou le tournage systématique de moments de vie en vidéo
est d'une incroyable efficacité. Sans qu'il soit besoin
de commentaires, la composition sociométrique du groupe apparaît immédiatement.
L'oeil, l'oreille électroniques ne
sont pas sélectifs. Ils ne censurent rien. Le bruit (noise au sens
anglais comme dans son sens vieux français) ne s'élimine pas. Il est
mesurable en décibels. La caméra ne détourne pas son oeil de
l'enfant apathique, chahuteur ou exaspérant. À la relecture - sans
commentaire - les composants du groupe se voient confrontés à leur
propre réalité. Chacun (maître compris, souvent incorrigiblement bavard) en prend pour son grade. La lecture vraie de
l'information suppose que le lecteur ne soit pas neutre en face de
données nécessairement déformées (comme s'il existait un "complot"
de la désinformation. Il existe en réalité une censure, une
auto-censure, un conformisme des milieux
médiatiques infiniment plus complexes à analyser que la thèse simpliste
du complot). Le lecteur n'est pas neutre. Il a sa propre histoire,
sa subjectivité, son prisme déformant. C'est pourquoi il est intéressant
de confronter la subjectivité du lecteur à la subjectivité de
l'information. Il est illusoire de prétendre
que le fait se livrera dans son objectivité à une analyse rationnelle
d'un lecteur possédant les outils conceptuels nécessaires au décorticage
et à l'appréhension du fait. C'est ce qui est proprement magique dans l'attitude du
lecteur face au fait qui est porteur de sens. L'événement n'est en réalité qu'un
prétexte. Voilà plus de vingt ans que Beyrouth est bombardée.
Voilà des années que les habitants fuient la ville. En vérité,
si l'on devait s'en tenir aux images que nous voyons,
Beyrouth devrait être rayée de la carte et tous les Beyroutins morts ou
en exil. On ne nous montre jamais la reconstruction, le
renouveau du quartier des affaires, l'activité économique malgré et grâce
à la guerre. Des enfants meurent mais des enfants naissent aussi.
L'historien qui voudra écrire le récit de cette guerre fera oeuvre de
falsification car ce conflit est d'une rare incohérence : au vrai, une multitude d'intérêts convergents contribuent à la
continuation de la guerre. Or les historiens ont besoin de cohérence, Que
l'on montre aux enfants un bombardement sur Beyrouth filmé hier et un
bombardement filmé il y a dix ans ne présente d'autre intérêt
que de prouver la pérennité du conflit. Les images ne
donneront aucune explication de l'évolution de cette guerre erratique.
Pour saisir la durée, il faudrait analyser finement les images
pour y chercher d'infimes détails chronologiques permettant de dater l'événement. (Ce paragraphe écrit il y a plus de vingt
ans a retrouvé une étonnante actualité au cours de l'été 2006) II est donc à peu près vain, dans le
cadre scolaire qui est le nôtre, de vouloir atteindre l'objectivité
ainsi qu'une pseudo-démarche scientifique. Au contraire, en
mettant en évidence la subjectivité de l'information
et celle du lecteur, on prévient contre l'arrogance de l'"objectivité"
de l'information et, partant, des
pouvoirs. Comme toujours ou presque, la démarche, le procès ne pouvant
être rigoureusement scientifiques, il conviendra de se
contenter d'une compréhension-interprétation morale et symbolique de l'information. Les enfants se réfèrent de toutes façons
à des archétypes ou des figures emblématiques. Les
adultes aussi d'ailleurs... car appréhender la complexité est autrement
plus difficile et désespérant. Neil ARMSTRONG a prononcé la phrase
historique en posant son pied sur la lune : "c 'est un petit pas pour î 'homme mais c 'est un grand pas pour l'humanité
". Elle n'est pas seulement - comme,
d'ailleurs, l'apostrophe attribuée à MIRABEAU au Jeu de Paume - du domaine de
l'Histoire. C'est une phrase de Morale. La lecture de l'information à l'école élémentaire relève de l'Instruction civique et de la Morale. DE LA DIFFICULTÉ D'ÉDITER DES ÉCRITS D'ENFANTS... Les commentaires francs et nets des enfants sur
l'actualité reflètent quelquefois la position "politique" de
la famille sur tel fait de société. Retrouver cet aspect privé de la
vie familiale couché noir sur blanc dans une revue, fût-elle
confidentielle, n'est pas sans créer quelque gêne ou quelque rancoeur
vis-à-vis d'une institution : l'École.
On la préférerait sans doute plus simplement distributrice d'un savoir
patenté, sans aspérités, pourvu de cette obscure et stupide clarté
qui était sensée illuminer les cervelles des simples. Marignan :
1515. Voilà qui était dit. C'était l'époque bénie de l'A.O.F. et de
la Cochinchine. En 1943, un enfant à étoile jaune disparaissait
brusquement de sa classe. Un ange à francisque passait. Pas
de commentaire. Pas d'entretien libre pour juger l'événement. Motus et
bouche cousue... Ah ! Que la République était belle sous Vichy ! À l'heure où la Charte
de l'Enfant mise au point par FO.N.U. fait référence au droit de
l'enfant à l'information, il est
piquant de constater que pour un peu, on regretterait ça et là le bon
vieux ceinturon paternel qui calmait sans ambages les velléités d'indépendance.
C'était au temps où l'on ne parlait pas de certaines choses devant les
enfants et où il leur était défendu de parler à table... Aujourd'hui, comme le fantôme des crimes commis par la
Société, comme le spectre du Massacre des Innocents qui agite toute cité
: les Innocents sont un bouc émissaire, - comme un souvenir de paradis
mal digéré, l'Enfance fait retour. Elle bouscule, elle revendique, elle
dresse un reproche d'autant plus féroce qu'il est presque inaudible, muet. Qu'on sache une bonne fois pour toute que l'Enfance et la
Jeunesse sont autant d'insultes intolérables aux Pouvoirs. Comment, alors
qu'on a atteint les degrés élevés de la pyramide sociale et, partant,
les premiers
stigmates de la vieillesse, peut-on accepter la vision offensante de ces
corps lisses, éclatants, de ces sourires neufs, de ces amours naissantes
non-monnayables ? Comment peut-on voir sans rancoeur cette
jeunesse qu'ils possèdent et que l'on a perdue ? C'est pourquoi les
jeunes sont les victimes toutes désignées de la Crise, de la Guerre et même,
quand tout pourrait aller bien, de la Croissance. Cependant, ici et là, on se prosterne devant l'Enfant-Roi,
enfant couronné, étouffé par l'énorme fève de l'espoir
qu'on met en lui tandis qu'on a le sentiment d'avoir gâché sa propre
vie. L'enfant est alors le témoin actif des conflits du couple. Il voit croître
sa fratrie dans le ventre maternel, il assiste parfois à la naissance,
voire à la conception du petit frère. Il est au fait des difficultés
financières de la famille endettée. Il est le spectateur désarmé des
tragédies mondiales dont il se gave en même temps que de pop-com et de Coca-cola.
Il assiste à la déchéance des aïeux, aux haines qui secouent les
familles, aux tromperies,
aux amitiés de voisinage qui deviennent animosités. Garçon, il est
complice déchiré de la veulerie paternelle. Fille, l'enfant peut
constater la disparité des rôles et mesurer le chantage incessant que
les mères (celles qui, selon BRETECHER,
ne sont que des caricatures de la Femme) exercent sur tous
les membres de la famille. L'Enfant-Roi constate alors en son for intérieur que
quelque chose est pourri dans un royaume dont il ne possède pas les clés. La Gazette des Enfants a du mal à exister. Pourtant, le
nombre d'écoles participantes, la variété des productions, la création
de textes et d'enquêtes tout spécialement réalisés pour la Gazette
n'ont cessé de
progresser depuis le numéro 1 de Décembre 1988. Cependant la Gazette se
vend mal. Elle est mal et peu connue. Les efforts consentis pour en accroître
la diffusion, même parmi les militants de la Coopération
à l'école sont faibles. Cela pose questions. Tout d'abord, est-il légitime de diffuser des écrits
d'enfants ? La réponse est oui pour ce qui nous concerne. Mais qui est
intéressé par les écrits d'enfants ? Les enfants eux-mêmes ne le sont
pas nécessairement
et préfèrent des productions spécialement conçues pour eux par des
adultes créateurs : Tintin les fait rêver davantage que les écrits cocasses,
triviaux ou poétiques de leurs camarades. Dix années de production
intensive de journaux scolaires nous ont pourtant donné quelques
indications. Parmi les lecteurs fidèles de la presse scolaire, les plus
assidues sont les personnes âgées qui se sont toujours révélées friandes de textes d'enfants. Les
parents sont nettement moins enthousiastes. Le contenu de certains
textes de leurs propres enfants peut - plus ou moins consciemment - les éclairer
sur tel ou tel aspect "caché" de leur progéniture. Les textes
révèlent, souvent entre les lignes, les problèmes parentaux,
les conflits familiaux, la vie sentimentale ou amoureuse des enfants eux-mêmes.
Tout cela est volontiers dissimulé - sans malice aucun - derrière
des histoires à allure de contes de fées où il est question
d'oursons, de chats, de chiens ou d'oiseaux bleus. Par ce qu'elle
sous-tend de pulsions, de conflits, de transferts, par ce qu'elle porte de haine,
d'amour et de souffrance, la littérature enfantine ne peut
que déranger. L'expression libre - ou libérée - se situe très
exactement aux antipodes de la langue de bois qui est une forme de ciment - ou de béton
!- social... Certains textes sont de véritables - mais pudiques et
discrets - appels de détresse, quêtes désespérées d'amour.
Nous savons cela. Si les parents croient connaître la vie de nos classes,
ils se leurrent souvent: ils n'en connaissent que l'écume. Par contre,
nous pouvons presque tout deviner de leur existence intime. Or, si déontologiquement
nous sommes moralement tenus à une sorte de secret professionnel, la
pratique quotidienne
de l'entretien libre pose tout simplement la vie privée des
familles sur le forum public de la classe. Ceci est évidemment intolérable pour
les parents qui préfèrent laisser dans l'ombre le refoulé dont
chacun s'arrange, sauf l'enfant et éventuellement l'enseignant s'il n'a
pas endossé pour son confort mental les habits raides du fonctionnaire
distributeur de devoirs et de leçons. Au diable 1'empathie, retour "Si on se disait tout ?" demande un animateur
de télévision inquisiteur. Le souhait actuel des partenaires de
l'école serait plutôt : si on ne se disait rien ? Étant bien entendu
qu'on devrait quand même tout savoir du fonctionnaire d'exécution (l'instit) à
qui Ton confie l'avenir de ces chères têtes blondes et, par-dessus
le marché celui de toute la Nation et pourquoi pas de l'Occident ! LE COÛT DE L'INFORMATION COLUCHE
Chrysostome disait : "Le changement, c 'est quand on prendra les
Arabes en stop. " COLUCHE
a échappé au temps du retour en force des mises à l'index, des autodafés
et des condamnations à mort pour délit d'opinion. L'article XI de la Déclaration
des Droits de l'Homme et du Citoyen est plus que jamais
notre verset, notre sourate préférée dans une société de droit, une République
fondée sur la Laïcité. Le changement donc serait de pouvoir prendre un musulman
en stop et plaisanter avec lui des faiblesses du Prophète et d'un
certain Issa, fils de Myriam et de Youssef, plus connu chez nous sous le
nom de Jésus. Le changement, pour les enseignants et les enfants scolarisés,
serait, au-delà de la "revalo", des nombreuses et légitimes
revendications, d'avoir accès à l'information et à la communication
sans courir à la faillite. MINITEL
EST PRIS QUI CROYAIT S'INFORMER... Depuis 1983, le Minitel 3615 propose des banques de données
parfois intéressantes . Précurseur malheureux (parce qu'il n'a
jamais joué le jeu des messageries), le Courrier Picard avait réalisé
un dossier
télématique sur la filière bois en Picardie. Des enfants avaient
consulté ce serveur, et d'autres... Le coût du 3615 est de 98 centimes la minute, soit près
de 60 F de l'heure. Par la télévision, les enfants sont
quotidiennement sollicités par de multiples services télématiques. L'écran
télématique est source d'information. Il est aussi source d'écrits à
lire, de consignes à décoder. La lecture télématique est une lecture
unie et utilitaire. Nous n'entrerons pas ici dans la vaine polémique sur
les messageries rosés qui permettent effectivement le racolage et ont donné
lieu à quelques affaires de pédophilie. Car on voit mal comment un
enseignant, dans le cadre de son travail, faisant un usage scolaire de la
télématique, pourrait laisser ses élèves se faire piéger par quelques délinquants
au demeurant fort minoritaires. Lors d'une classe découverte d'une
semaine, grâce à la messagerie du Serveur du C.D.D.P. (44 48 45 45 bientôt
3614,
code ARDOISE), il a pu s'échanger entre parents et enfants, entre classe
transplanté et école d'origine, 75 messages. Tout cela a un prix. En réseau téléphonique commuté,
celui des taxes classiques modulées selon l'heure d'appel
et les différentes circonscriptions. Plus économique, l'Annuaire Électronique (11) permet des
recherches fort utiles mais limitées. Un Minitel nu est pédagogiquement
peu exploitable. Il faut pouvoir stocker ou imprimer les écrans vidéotex.
Cela
suppose un investissement matériel dans une imprimante spécifique ou la
transformation de votre micro-ordinateur en terminal Télétel évolué.
Cela revient à peu près à 2 000 Francs (1985). DES DÉPÊCHES D'AGENCE DE PRESSE SUR DES PUPITRES D'ÉCOLIERS... Publicité dans Libération. Alléchante... Le serveur A.F.P. vous propose un choix multicritère.
L'ordinateur reconnaît dans les titres ou dans les dépêches
le ou les mots que vous recherchez. Il effectue le tri en quelques
secondes et vous annonce qu'il existe à ce jour près de 3 000 dépêches et près
de 600 titres qui contiennent, par exemple, le mot enfant.
Rien ne vous empêche de solliciter un tri croisé : enfant et Europe.
Le serveur A.F.P. est une véritable mine documentaire et dès lors, votre
Minitel, ou votre ordinateur en émulation Télétel, devrait logiquement
occuper le centre de votre B.C.D.... Alors pourrait-on parler sans rire de
"l'école ouverte sur la vie..." Las ! Le coût de cet extraordinaire service est hors de
votre portée. 9,06 Francs de la minute ! Même si vous êtes équipés
pour capturer des pages vidéotex, le temps file à toute allure, et votre
bel argent avec... DIALOGUES AU-DELÀ DES MERS. La correspondance télématique permet aux enfants de
dialoguer soit en direct, soit en différé, d'un bord à
l'autre de l'Océan. Merveilleuse technique qui fait de Montréal un
faubourg de votre village picard ! Mais la facture Transpac, l'abonnement au Serveur
vous font toucher du doigt les limites de vos efforts alors
même que l'espace et le temps vous semblent maîtrisés. UNE CINQUIÈME DIMENSION INCONTOURNABLE : L'ARGENT. Qui paie ? Existe-t-il un chapitre "information et
communication" dans le budget des écoles alors même que Tachât des fournitures
traditionnelles (livres, cahiers, matériel didactique) oblige parfois à
de sombres acrobaties ? Qui paie ? La coopérative scolaire a-t-elle les moyens de s'offrir
ce qui n'est pas quantifiable, ce plus néguentropique qu'est
l'information ? Il
faut autant d'énergie pour transmettre le message : LATME'EJ
inintelligible que le message : JE T'AIME,
porteur lui, de cette denrée impondérable. Faut-il,
pour ouvrir l'école sur le monde, se transformer en marchand de tapis, en
organisateur de spectacles, en
montreur d'ours, en funambule ? Si l'on s'en tient modestement à la Galaxie Gutenberg, il
faut savoir que le prix du papier a augmenté de 700% en 20 ans, celui
d'un hebdomadaire : 500%, d'un dictionnaire : 306%, d'un journal
quotidien: 800% (Source : Événement du Jeudi n° 222). (Ces chiffres
demandent évidemment à être actualisés). L'achat
régulier d'un éventail suffisant de revues et journaux à de fins
d'exploitation pédagogique devient
rapidement prohibitif. Publier un journal scolaire digne de ce nom est un
projet suicidaire. L'avenir, avec sa télématique aux possibilités techniques décuplées, avec ses vidéo-disques laser qui contiendront de complètes pinacothèques raisonnées, ses réseaux informatifs inter-commutés à l'échelle d'un continent, à l'échelle de la planète, l'avenir ne nous appartiendra que si l'État et les collectivités territoriales (dans le cadre d'un grand service public d'éducation) ou les collectivités privées (dans la perspective d'un libéralisme socio-économique) nous donnent les moyens d'accéder réellement à l'information et aux réseaux de communication. Cela suppose que les établissements d'enseignement disposent d'une vraie franchise postale, de tarifs préférentiels en téléphonie et en télématique, d'abonnements quasiment gratuits aux banques de données exploitables par nos enfants, de transports souples qui ne grèvent pas exagérément les budgets (car il est bon aussi d'aller voir les choses de près !). En
2007, l'Internet - mais toutes les écoles en sont-elles dotées et que
fait-on de l'outil ? - la donne a quelque peu changé. Ajoutons qu'il n'est pas question de demeurer passivement
consommateurs d'information. Le monde éducatif est aussi producteur.
Ainsi les multiples travaux doivent pouvoir trouver leurs médias, leurs
supports, leurs réseaux de diffusion. Nous devons pouvoir faire connaître
et échanger nos outils, nos réalisations,
nos productions. Si l'information circule mal à l'intérieur du grand
corps de l'Appareil éducatif, c'est
que nous sommes dépourvus de moyens. On a doté les écoles de matériels
informatiques. A-t-on
suffisamment réfléchi à l'aspect informationnel de cette opération ?
Les Télécoms ont distribué des Minitels dans les écoles. Étaient-elles
dotées d'une ligne téléphonique ? Qui devrait régler les factures?
Rappelons que l'agent payeur d'une école élémentaire est le percepteur via
la municipalité. Rappelons
que la gestion d'argent ne peut se faire que par l'intermédiaire d'une
coopérative scolaire dûment déclarée. Comment une administration elle-même dépourvue de
moyens pourrait-elle venir sérieusement aider des initiatives où se joue le désenclavement des établissements
scolaires. Il est scandaleux que les I.E.N. voient leur nombre d'appels téléphoniques
contingenté comme il est scandaleux que la correspondance
scolaire ne bénéficie pas (comme au Québec) de tarifs réduits. Ceci
rejoint cela. Le changement, ce sera quand les Inspecteurs départementaux
n'auront plus à mendier des enveloppes auprès des instituteurs qui
souvent paient celles-ci sur leurs propres deniers. Tous ceux qui, dans ce métier, ont voulu un peu changer
les choses, ont fatalement mis les pieds dans une décharge publique pour récupérer ceci
ou cela. (Ah ! Joyeuses kermesses franchouillardes de l'à-peu-près, du rafistolage, de la bricole et du système D. Il y a
25 ans que les écoliers Scandinaves effectuent
leurs visites éducatives en cars Pullman...) Lutter contre le gaspillage est une chose. Être contraint
à chercher sa pitance dans les déchets en est une autre. Qui a à voir
avec ce concept souvent invoqué : la dignité. Michel DEBRAY - LA Gazette des Enfants - publiée par l'O.C.C.E.
de l'Oise.(1985)
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