POUR L'ÉCOLE

100 PRINCIPES POUR L'ÉCOLE - Plan

GENÈSE D'UN LIVRE - Ré-écriture d'un entretien avec Edgar Morin - LE CANTIQUE DES CANDIDES  - 

PRINCIPES ISSUS DE LA THERMODYNAMIQUE PRINCIPES ISSUS DE LA BIOLOGIE - PRINCIPES ISSUS DE LA SYSTÉMIQUE

PRINCIPES ISSUS DE LA NEUROBIOLOGIE - NÉCESSAIRE ÉMERGENCE DE NOUVELLES VALEURS PRINCIPES PÉDAGOGIQUES

PRINCIPES ISSUS DES CONSULTATIONS NATIONALES - DE L'AMOUR

 

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LE CANTIQUE DES CANDIDES...

 

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Ça commence par une "animation pédagogique" (ex-conférence pédagogique) de premier trimestre scolaire.

L'I.E.N. (l'Inspecteur de l'Éducation Nationale, ex-I.D.E.N - D pour départemental -, ex-Inspecteur primaire) n'est ni obèse, ni barbu, ni trop petit ni trop grand, il a l'apparence d'un jeune cadre dynamique. La parole douce, le sourire revenant périodiquement sur son visage sans corrélation toutefois avec le contenu du discours, il a parfois des accès d'irritation vite contrôlée lorsqu'on s'avise de contester peu ou prou l'évangile (à proprement parler), la bonne nouvelle qu'il vient apporter aux masses laborieuses des instituteurs déjà exténués après cinq semaines de classe, aux quelques professeurs d'école nouvellement promus et aux directeurs généralement anxieux à mesure que l'évangile onctueux se mue en douloureux décalogue. C'est que plus d'un siècle après la création de l'École publique, l'I.E.N. est chargé de marteler une révélation d'importance que des générations d'éducateurs semblent avoir ignoré :

L'ENFANT EST A U CENTRE DU SYSTÈME ÉDUCA TIF.

Le nouveau missionnaire de la vulgate ministérielle va devoir exécuter un numéro de haute voltige rhétorique en essayant de concilier deux thèses antinomiques.

1 - Les sommités de la recherche psychopédagogique ont enfin admis que les apprentissages étaient complexes, faits d'approches successives et selon des modalités très individualisées, quelquefois abruptes ou sauvages. La pédagogie n'est pas affaire de répétition. Il existe des phénomènes de résistance affective. Il convient donc de proposer différents angles d'attaque, la variété étant constitutive de l'apprentissage.

2 - En face d'une complexité multidimensionnelle, protéiforme, en constante mutation, le maître, fonctionnaire d'exécution, doit avoir SA méthode et SA progression. Devant l'insondable mystère de la connaissance, l'enseignant doit préserver sa simplicité, son humilité, sa foi. Il n'a pas à s'aventurer dans les arcanes des hautes sciences. Il se doit de demeurer un honnête artisan. On lui donnera demain les outils intellectuels minimaux pour mener à bien sa tâche de fantassin obscur dans la guerre que mène la République non pas contre la misère ou l'ignorance mais pour le maintien de son propre équilibre social. Celui-ci repose évidemment sur les vieilles lunes des Droits de l'Homme mais aussi et surtout sur la liberté d'entreprendre et le respect de la propriété privée.

LE POUVOIR SE CONQUIERT EN LE PARTAGEANT.

Confronté au formidable problème de l'éducation, le Pouvoir politique (qui ne souhaite pas être partagé! ) est déchiré entre la velléité étatiste du panoptique et la tentation libérale de la déréglementation.

L'insatiable besoin d'un observatoire permanent, d'un tableau de bord réputé fiable suppose une volonté dirigiste du pouvoir politique quand il appartient à ce qu'on nomme "la gauche". Cela va de pair avec un mépris plus ou moins déguisé des exécutants, de la base en général, et plus précisément des "expérimentations sauvages" surtout lorsqu'elles ont l'heur de plaire ou de réussir et le malheur de n' être point dans l'une des nombreuses lignes du Parti. Comme le pouvoir politique adore être conforté dans ses pseudo-convictions et dans ses vrais oukases, on va faire remonter jusqu'à lui une image idyllique de la situation. Ainsi les inspecteurs vont dénicher dans les moindres replis de leur juridiction tout ce qui peut recevoir le label de conformité aux textes sacro-saints. Certes, la vérité du terrain est toute autre mais personne ne prend le risque de la dévoiler. L'institutrice sclérosée recevra à quelques détails près les mêmes éloges parcimonieux et mesurés que le débutant enthousiaste et novateur. La note sera évidemment fonction de l'ancienneté.

Ainsi assèche-t-on la mer d'Aral...     

La bouse de vache est plus utile que les dogmes, on peut en faire de l'engrais !  - MAO Zedong

À l'opposé, la déréglementation chère aux ultra-libéralistes traduit le refus d'appréhender la complexité en même temps qu'une sorte de confiance béate en la "nature des choses". Il faut dire que la rentabilité de l'éducation n'est pas immédiate. Le capitalisme ne sait pas gérer le long terme. On sait depuis le krach boursier de 1987 que les grands capitaines d'industrie laissent aux ordinateurs le soin de réguler les aléas du marché mondial.

Ainsi assassine-t-on des cultures...

La loi d'orientation sur l'éducation du 10 Juillet 1989 repose sur l'illusion qu'on peut mobiliser une partie du corps social dans un domaine privilégié, sans toucher à l'économie, en évitant un vrai travail de sensibilisation des acteurs qui, sans doute, ne demanderaient qu'à adhérer à un grand dessein social, éducatif et culturel, tant ils sont, au nom de leur "ringartitude", exclus du prétendu "projet de société" qu'ils avaient plébiscité en 1981.

Cette loi a été élaborée avec la conviction feinte ou réelle qu'une seule grille d'analyse, une seule stratégie, une panoplie tactique restreinte pouvaient répondre à l'énorme masse des questions que pose l'éducation d'un peuple à l'aube du IIIième millénaire . Qu'il s'agisse de didactique d'une discipline ou de la gestion du personnel technique, le schéma est toujours le même :

ÉTAT DES LIEUX,

OBJECTIFS,

DÉMARCHE,

MOYENS,

PROGRAMMATION,

ÉVALUATION,

IDENTIFICATION DE L'UNITÉ RESPONSABLE.

Très explicitement, on ne souhaite pas mieux connaître pour mieux AGIR, mais "mieux connaître pour mieux GÉRER" !

Ou bien le rédacteur de ce texte de loi croit ce qu'il écrit ou bien ce n'est qu'un exercice de style dans un moment d'une carrière de grand commis de l'État et dans les deux cas, c'est grave pour la démocratie et le devenir éducationnel de la nation France.

Où, quand, comment, qui a décidé que l'ensemble d'une classe d'âge devait être conduite au minimum au niveau du certificat d'aptitude professionnelle ou du brevet d'études professionnelles et 80% au niveau du baccalauréat d'ici 1999 ? Quand les citoyens ont-ils été consultés sur les problèmes éducatifs?

Une réforme technocratique a été concoctée et impulsée en 1959 par ordonnances et décrets sans consultation du parlement. La loi-cadre Haby a été soumise au parlement en 1975. En 1981, le programme électoral du candidat MITTERRAND comportait des orientations éducatives et notamment prévoyait la mise sur pied d'un grand service public unifié d'éducation. Alain SAVARY a suscité trois grandes consultations nationales concernant les collèges (Commission LEGRAND), les lycées (Commission PROST) et les écoles (Rapport FAVRET). Le ministre a appris sa disgrâce par la télévision pendant l'été 1984. Les conclusions des rapporteurs ont été oubliées lorsque CHEVÈNEMENT "a sifflé la fin de la récréation de 1968". La médiatisation démagogique de l"'élitisme républicain" a permis un retour en force d'un intégrisme pédagogique qui, du reste, n'a jamais vraiment cédé de terrain dans ce pays foncièrement conservateur.

René MONORY, ministre de la cohabitation, a eu la divine surprise de s'installer dans une restauration déjà largement accomplie. Cela n'a pas empêché les étudiants de défaire les propositions de DEVAQUET. JOSPIN connaîtra les mêmes soucis. Mais LANG se les épargnera en retirant le projet de loi de son prédécesseur.

En confiant à Pierre BOURDIEU en 1988 un simulacre de concertation catéchiste à usage des affidés du socialisme, Lionel JOSPIN s'est donné l'occasion d'un gros mensonge en prétendant que la nation n'avait pas été consultée en matière d'éducation depuis la création de l'École publique. C'était enterrer SAVARY une seconde fois. Notons que les experts avaient été sollicités par GISCARD D'ESTAING en 1977 sur le problème de la violence et en 1978 quant aux sciences de la vie. En 1981, Bertrand SCHWARZ rédigeait un rapport sur l'insertion professionnelle et sociale des jeunes, les professeurs du Collège de France avaient élaboré neuf propositions pour l'enseignement de l'avenir, en 1985, à la demande de MITTERRAND et le rapport MIGEON, en 1988, traitait de la lecture.

Ne parlons pas ici des textes et des consultations mis en place depuis 2000. Les programmes que l'on doit à Claude ALLÈGRE et à l'ineffable Luc FERRY sont aux textes de 1924, 1938 et 1945 ce que le pâton surgelé est à la boulangerie de tradition...

La consultation qui a enfanté le rapport Thélot en novembre 2003 est une parodie de démocratie participative. Quand on connaît le mode de filtrage des interventions, quand M. Thélot, de surcroît, déclare benoîtement que le rapport était écrit avant même les conclusions des rapporteurs, on voit là à quelle palinodies politiciennes le quinquennat chiraquien peut se livrer.

Le comble est atteint avec Gilles De ROBIEN "dernier" ministre de l'Éducation nationale du calamiteux président lorsqu'il interdit purement et simplement la méthode globale de lecture et tout ce qui y ressemble. C'est le retour à un ordre moral et pédagogique digne de l'État français...

Les bibliothèques sont pleines non de solutions miracles, de panacées, mais de suggestions intelligentes, de rappels d'évidences oubliées, de constats appelant des décisions rapides et courageuses. Or on préfère patiner dans l'analyse de l'état des lieux, dans la définition des objectifs, dans le marchandage des moyens, dans l'attribution savamment dosée des missions, dans l'élaboration maniaque des protocoles d'évaluation. C'est que, pendant ce temps minuscule de la politique, le Temps de l'Histoire passe. Un calme apparent semble être sécrété par une société bizarrement consensuelle. Les politiques respirent,

Ils approchent doucement des rivages tranquilles de la campagne électorale pendant laquelle ils seront déresponsabilisés des charges du pouvoir. CLEMENCEAU, politicien jusqu'aux génitoires, le savait bien, qui disait :"Le moment le plus agréable en amour, c'est quand on monte l'escalier." En vérité, nos dirigeants sont des adeptes fougueux du sur-place, de la natation en chambre, du jeu de rôle, du wargame qui ne blesse que les amours-propres... Ces gens-là sont déjà dans le monde virtuel que les machines nous préparent.

Cependant si les choses changent, c'est d'abord grâce au mouvement même de la vie, à cette complexité du vivant qui résiste tant à la grossière analyse et épouvante les âmes fonctionnarisées. C'est ensuite parce que se livre une sourde guérilla d'antichambres et de cabinets, parce que s'exercent à tous les niveaux les pressions multiples d'un lobbying polymorphe, parce qu'en dernier ressort, la rue fait entendre sa voix.

Du coup, les choses changent, mais elles demeurent aussi. Des situations s'enkystent, des désespoirs s'exaspèrent, des enthousiasmes s'éteignent.

Après avoir entendu le long monologue de son inspecteur vilipendant la pédagogie frontale et vantant l'usage collectif de la parole, l'instituteur va poser une question candide. Entre l'analyse de la situation, l'élaboration d'un projet où peuvent intervenir tous les acteurs de l'équipe éducative, la définition des démarches, la mise en place d'un calendrier pluriannuel, la création de modalités d'évaluation, la mise au point de techniques de rémédiation, quand est-ce qu'on travaille, c'est-à-dire qu'on fait la classe?

Car sa vie à lui, instit' ou plutôt à elle, instite  majoritaire, consiste à FAIRE LA CLASSE. La formulation intègre à la fois la fonction, le lieu et le groupe et synthétise parfaitement ce travail quotidien de transmission des connaissances et de formation personnelle, civique, professionnelle des élèves qui lui sont confiés. Il ou elle voit bien que depuis des décennies cette profession est devenue plus difficile, moins bien rémunérée, prolétarisée davantage, qu'elle a perdu de son prestige qu'elle avait encore jusque dans les années soixante. L'instituteur chargé d'école ou le directeur non déchargé sait que le poids de l'administration n'a fait qu'augmenter. La bureaucratie s'auto-alimente. Elle est devenue son propre objet. Elle ne sert plus le grand appareil éducatif, elle le cancérise. Effectivement, on ne connaît pas mieux pour mieux agir, mais pour mieux administrer. Les gestionnaires ne se rendent pas compte qu'ils ne sont, entre deux échéances électorales, que les agents d'un pouvoir méprisé.

LA PÉDAGOGIE EST UNE CHOSE TROP SÉRIEUSE POUR ÊTRE CONFIÉE AUX DIRECTEURS D'I.U.F.M.

Depuis un plan informatique calamiteux, le traitement de textes permet de diffuser de jolies circulaires contredites le mois suivant mais pas de faire éclore des centaines de journaux scolaires. Les directeurs doivent devenir les petits chefs de la réforme, pas les animateurs (au sens premier) de leur équipe et de leur établissement. Les maîtres-formateurs ne conseillent plus ils forment, c'est-à-dire rendent con­forme. Dans ce pays où la parole est reine, où la profération tient souvent lieu d'action, on s'imagine qu'il suffit de remplacer les Écoles normales par des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres pour relancer un recrutement défaillant, on croit qu'en répandant une manne sur certains secteurs géographiques - à risques - on tuera dans l'œuf les flambées émeutières alors que c'est tout le territoire national qui devrait être classé zone d'éducation prioritaire, non pour des raisons de police, mais de civilisation !

L'ÂGE DU FAIRE

"Il y en a trois qui font quelque chose. Il y en a dix qui font des conférences sur ce que font les trois. Il y en a cent qui font des conférences sur ce que disent les dix. Il arrive qu'un des cent-dix rencontre l'un des trois ET LUI EXPLIQUE COMMENT IL FAUT FAIRE..."

Père MOUSSET, cité par Fernand OURY dans l'article "ET MAINTENANT, QUOI DE NEUF ?" paru dans les années 70 dans la défunte et regrettée revue L'EDUCATION.

Le mot action est absent des textes officiels. Ceux qui font, qui agissent vraiment, savent qu'il faut un jour s'engager, sauter le pas, prendre des risques. Et quand ils commettent une erreur, se sentent à la fois responsables et coupables...

Les ministres et les fonctionnaires appartiennent à l'univers du paraître.

Les enseignants sont immergés dans le monde du faire. L'expérience n'est guère transmissible. Comment ceux qui n'ont pas l'expérience de la classe pourraient, a fortiori, transmettre quoi que ce soit ? Ils ne peuvent évidemment que brasser du vent, jouer de leur pouvoir, agiter tour à tour carotte et bâton, régler de sombres comptes personnels en petits comités de petits décideurs, laisser faire ici, s'acharner là, regarder ailleurs quand l'évidence de leur incompétence devient trop forte.

"TOUTE RECHERCHE PRÉSENTE MET EN PÉRIL L'ORDRE." - Paul NIZAN

Où sont ces chercheurs tant aimés du pouvoir que jamais personne ne cite leurs travaux ? Qui sont ces chercheurs qui exhument les cadavres des Grands Agitateurs (DECROLY, STEINER, KORKZAC, DELIGNY, FREINET...) et pillent sans vergogne leurs dépouilles ? Ces fantômes ont encore tant de force, ils effraient tant après tant d'années qu'on oublie de rendre hommage à leur flamboyante mémoire.

Sur le terrain, on doit faire régner l'ordre, la discipline, le travail mais on doit aussi faire surgir la création, nourrir l'imaginaire, tenir en éveil, contrôler des apprentissages, donner à réfléchir et à rêver, trier le bon grain culturel de l'ivraie médiatique. On s'enthousiasme, on crie, on punit parfois, on avance à petits pas ou à grandes enjambées, on tire vers le haut, on est essoufflé derrière d'infatigables jeunes jambes. On doit répondre aux demandes d'amour qui ont parfois l'allure d'agressions, on doit convaincre, faire la part de ses propres névroses. Sur le terrain, on perd ses cheveux et ses dents, parfois ses illusions. On vieillit et on ménopause. Le conjoint non-enseignant ne comprend pas toujours ces folies, ces manies, ces insomnies, ces déprimes professionnelles.

Le rôle de l'administration, de la gestion, serait précisément (et étymologiquement) de prendre en charge, d'aider, d'encourager, de redonner confiance. Un inspecteur dans sa circonscription, un directeur dans son école, un maître dans sa classe peuvent, s'ils savent utiliser les textes, leur flou artistique, leurs contradictions, leurs omissions, leurs cohérences aussi, instaurer des espaces de liberté, de démocratie et de recherche. L'École a tout à gagner au parler-vrai, à la transparence, à l'ouverture, à l'information interactive et complète de tous les partenaires dans l'acte éducatif.

"C'EST PLEIN DE CHEFS PARTOUT QUI S'OCCUPENT PAS DE NOUS." - Félix LECLERC

Il ne s'agit pas d'appliquer de façon stupide des directives quelquefois ineptes, il s'agit de faire preuve, à tous les niveaux, d'une réelle autorité. Le mot peut effrayer. Autorité, auteur, automne même dérivent même radical sanscrit augas qui signifie augmenter, accroître.

Que peut-on accroître lorsqu'on a renoncé au clinquant du paraître, aux faux ors de l'avoir pour se plonger dans la vérité de l'être et du faire ? Rien de moins que la complexité. L'accroissement de la complexité d'un système, la difficulté croissante d'en vouloir maîtriser seul et de façon mégalomaniaque tous les éléments en mouvement constant, signifient qu'on est en phase avec la logique du vivant.

La tâche de chacun est multiple : observer, repérer, cristalliser, catalyser, canaliser, médiatiser. Ne pas décréter avec arrogance mais aider aux innombrables naissances, favoriser les éclosions interpréter les signes de crises et, éventuellement, alors que chacun croira venue l'heure de la quiétude, lancer le pavé salutaire dans la mare.

Cet ouvrage n'a pas pour ambition d'ajouter au désarroi, au sentiment confus de culpabilité, à la déprime profonde des enseignants. Il s'agit simplement de montrer que les dogmes éphémères ne sont pas totalement mensongers ni à prendre pour argent comptant, surtout quand on est mal payé,

"ENSEIGNER SIGNIFIE PRÉPARER LA JEUNESSE À DES SITUATIONS QUI N'ONT JAMAIS EXISTÉ" - Paul VALÉRY

Pendant un siècle, les rédacteurs des textes officiels ont fait preuve tout à la fois d'ambition, de prudence et d'humilité. Personne ne prétendait que la pédagogie ou la didactique fussent des sciences exactes. On préférait naguère le mot art, surtout lors des distributions des prix ou des remises de palmes académiques. En vérité, il s'agit d'un artisanat. Comme la lutherie ou l'orpaillage.

Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Les I.E.N. les plus volontaristes érigent en science la pédagogie. Paradoxalement, les unités de valeur en sciences de l'éducation n'ont aucune valeur administrative. Le mot "science ", jadis synonyme de sagesse, est aujourd'hui pris dans un sens plus utilitariste et confine à la technique. Laquelle suppose des techniciens. Ce terme était valorisant Il s'est déprécié en trente ans. Un balayeur est dit technicien de surface.

L'artisan maîtrise. Le technicien exécute. Les mots ont leur importance. Et les lamentables tentatives des technocrates pour transformer des métiers nobles en fonctions subalternes échouent parfois : on continue ainsi à nommer facteur celui qu'on voulait préposé.

Les missions du système éducatif sont définies par la loi. L'École a pour rôle fondamental la transmission des connaissances (enseignement et instruction).

L'École a pour but  de former les femmes et les hommes de demain, en mesure de conduire leur vie personnelle, civique et professionnelle en pleine responsabilité et capables d'adaptation, de créativité et de solidarité (éducation).

Les connaissances sont nécessairement en crise permanente. Nous y reviendrons. Les connaissances concernant la psychopédagogie, la genèse des apprentissages, l'acquisition du langage n'échappent pas à cet état cathartique indispensable. Cela ne signifie pas qu'il faille se résigner à l'ignorance, au tâtonnement et à l'empirisme des premiers magisters, mais bien plutôt intégrer le couple certitude/in­certitude comme une dynamique du savoir, et même pour faire explicitement référence à l'Abbaye de Thélème, au Gai Sçavoir.

L'épanouissement personnel et la socialisation des individus sont évidemment intimement liés aux exigences, aux tolérances et aux flous éthiques d'un corps social en perpétuelle mutation.

"ON NE SAURAIT ENVISAGER UNE ORGANISATION ANTHROPO-SOCIALE SELON UN MODÈLE MOINS COMPLEXE QUE CELUI DE L'ORGANISATION BIOLOGIQUE." - Edgar MORIN

Contrairement à ce qu'affirment les décideurs, le système éducatif actuel ne fait pas progresser intellectuellement, culturellement et moralement le système social, il ne sert qu'à en pérenniser l'ordre et les privilèges. Il en atténue éventuellement les risques de violence et les débordements par des mesures ponctuelles et des moyens chichement dispensés. A ce titre, il ressemble à un appareil colonial. On ne saurait donc accepter un corpus figé de connaissances à acquérir sans réactualisation périodique et sans l'exercice permanent du doute créatif.  On ne saurait concevoir une éducation qui n'intègre pas la relativité dans l'espace et le temps des faits de société et les enseignements moraux qui les induisent ou qu'on en déduit. On ne saurait admettre une intelligence de l'univers qui ne fasse pas appel à un niveau toujours plus haut d'une conscience toujours plus affûtée.

C'est donc à un léger changement de perspective, de celui qu'on obtient en clignant de l'œil, au propre comme au figuré, qu'est invité le lecteur.

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NOTES :

 

ART : Ensemble des connaissances théoriques et des règles pratiques qui permettent l'exercice d'une activité.

TECHNIQUE : Ensemble des méthodes et des procédés nécessaires à la mise en pratique d'une science.

SCIENCE : Connaissance précise ou approfondie, ou connaissance en général.

 

BUT : Résultat que l'on veut obtenir, ce qui constitue la fin, l'objet d'une action.

RÔLE : Fonction de quelque chose. La fonction est une tâche spécifique dont est chargée une personne ou dont doit s'acquitter un organisme, un service.