POUR L'ÉCOLE

100 PRINCIPES POUR L'ÉCOLE - Plan

GENÈSE D'UN LIVRE - Ré-écriture d'un entretien avec Edgar Morin - LE CANTIQUE DES CANDIDES  - 

PRINCIPES ISSUS DE LA THERMODYNAMIQUE PRINCIPES ISSUS DE LA BIOLOGIE - PRINCIPES ISSUS DE LA SYSTÉMIQUE

PRINCIPES ISSUS DE LA NEUROBIOLOGIE - NÉCESSAIRE ÉMERGENCE DE NOUVELLES VALEURS PRINCIPES PÉDAGOGIQUES

PRINCIPES ISSUS DES CONSULTATIONS NATIONALES - DE L'AMOUR

 

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PRINCIPES ISSUS DE LA NEUROBIOLOGIE

 

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L'enfant est génétiquement programmé pour apprendre. - François JACOB.

La programmation interne du système se faisant de plus en plus difficile (...), on peut considérer l'apprentissage comme étant le résultat d'une complexification croissante du système avec un nombre restreint de gènes. - Jean-Pierre CHANGEUX. - (L'HOMME NEURONAL - Fayard - 1982)

21 - La croissance n'est pas linéaire. Parler de paliers et de régressions ne suffit pas à comprendre la complexité quadri-dimensionnelle de la croissance. (D'après Arnould CLAUSSE, article paru dans la revue L'Education (1967 ?) : POUR UNE COHERENCE DE LA PEDAGOGIE)

Il faut ici sortir des conceptions mécanistes d'an tan et essayer d'imaginer l'inimaginable. Ici, sur un système de processus neurobiologiques encore largement ignorés viennent se greffer les fonctions complexifiantes du hasard qui amplifie, pondère ou réduit, de la catastrophe qui dévie les innombrables trajectoires du possible, du chaos qui organise et de l'ordre qui anéantit.

LA CROISSANCE EST CONTINUE ET GLOBALE.

La théorie ancienne de la récapitulation et de l'accélération biogénétique (HAECKEL, DECROLY) qui veut que l'enfant passe par les stades qu'a connus l'évolution de l'Humanité a été abandonnée dans les années 70. Mais nous voyons qu'à l'instar de la théorie de la dérive des continents de WEGENER, déclarée irrecevable puis reprise avec succès quelques trente ans plus tard, cette idée de mise en parallèle de la phylogenèse et de l'ontogenèse peut recevoir, avec une nouvelle maturation fractale, si je puis dire, un autre éclairage..

Toutes les forces que l'enfant aura jamais sont présentes au départ. Des cellules dentaires sont dans les gencives du nouveau-né, prêtes à germer deux fois de suite, et même trois fois puisqu'on a vu, paraît-il, des centenaires connaître une ultime (?) poussée dentaire. Ces forces se développent conjointement et non en séries. La croissance ne peut pas se diviser en stades successifs étant bien entendu que le mot stade implique une stagnation, un arrêt, un palier, une fixation provisoire. Il n'y a pas d'âge de la mémoire, pas d'âge de l'imagination, pas d'âge de la sensation. Ces différents aspects de la personnalité sont toujours présents selon les modalités qui dépendent de la maturation, de la somme systémique des expériences faites, de 1''état dynamique d'adaptation au réel.

Individuellement, nous n'utilisons nos capacités intellectuelles, au mieux, qu'à 20 % de leurs potentia­lités. Socialement, compte-tenu des interactions que nous saurions mettre en oeuvre, nous pourrions centupler la puissance de nos idées et, partant, de nos actes. En réalité, et le spectacle du monde le montre assez, nous agissons trop souvent comme des détonateurs et assez peu comme des régulateurs. Or nous devons réguler le corps social de la Planète avant de pouvoir engager la révolution de l'intelligence. Et il nous faudrait beaucoup d'intelligence pour commencer de concevoir les outils de la régulation...

LA CROISSANCE DÉPEND DU BUT, DE LA FINALITÉ QUE S'ASSIGNE, CONSCIEMMENT OU NON, L'APPRENTI.

Il n'y a pas d'actes gratuits. L'enfant a des intérêts liés à son développement et aux influences du milieu. Ces intérêts sont précaires, transitoires, culturellement contestables. Ils ne sont pas des fins à satisfaire mais des ressorts, des points de départ. Il faut voir dans les impulsions premières des fonctions qui renferment des possibilités et qui mènent à un but idéal.

Il s'agit donc de trouver et d'exploiter, pour chaque âge, et presque pour chaque individu, des tâches, des activités, des problèmes qui, tout en correspondant aux besoins de l'enfant, se situent dans la ligne générale des besoins sociaux. Cela condamne autant une pédagogie formaliste qu'une pédagogie de l'improvisation. Il faut intégrer, insérer l'actualité, le vécu au jour le jour dans la ligne générale d'un effort dont la direction est définie ponctuellement par des objectifs didactiques concernant l'acquisition des connaissances et plus généralement par des objectifs éthiques et civiques découlant évidemment des Droits de l'Homme.

LA CROISSANCE EST UN MOUVEMENT QUI VA DU CONCRET VERS L'ABSTRAIT, DE LA FONCTION AU SYMBOLE, MAIS C'EST AUSSI UN MOUVEMENT RÉCURSIF QUI PART DE L'APPROXIMATION, DE LA RÉACTION GLOBALE, APPROXIMATIVE ET INADÉQUATE ET QUI VA VERS LA DISCRIMINATION, LA RÉACTION ANALYTIQUE PERTINENTE, LA CRI­TIQUE NUANCÉE POUR REVENIR À LA NÉCESSAIRE SYNTHÈSE FINALE QUOIQUE TOUJOURS PROVISOIRE...

Les programmes scolaires renversent souvent l'ordre des choses. Tout enseignement doit commencer par l'approximation et la confusion et aboutir progressivement à l'ordre, à l'analyse, à la conscience des éléments du problème, à leurs relations, à leurs interactions. Cette conscience nouvelle est celle de la complexité. Alors, les choses redeviennent apparemment confuses et floues. Mais cette fois, il ne s'agit plus d'ignorance mais de la perte de vision des détails qui marque obligatoirement une élévation, une prise d'altitude. Il y a donc nécessité de synthétiser les savoirs pour les ré-investir et les ré-étudier à un niveau supérieur d'organisation.

Voir la complexité c'est faire réaliser à chaque apprenant la prouesse des satellites d'observation. Situés en orbite autour de la Terre ils peuvent à la fois en avoir une vision globale et une vue très rapprochée. Il est possible de la sorte de saisir à la fois les éléments et le système, et les systèmes de systèmes...

LA CROISSANCE N'EST PAS UNE ACCUMULATION, MAIS, PLUS QU'UNE SOMME, C'EST UNE MATURATION, UNE MÉTAMORPHOSE, UN PROCESSUS DE TRANSFORMATION, UN PASSAGE PERMANENT D'UN SYSTÈME D'ORGANISATION À UN AUTRE, PLUS COM­PLEXE. LA CROISSANCE D'UN ENFANT EST L'EXEMPLE MÊME D'UN FORMIDABLE PROCESSUS NÉGUENTROPIQUE.

Concrètement, cela signifie qu'essayer de fixer les points importants (ou réputés tels !) de l'Histoire de France avant d'avoir étudié et compris les histoires de l'Histoire de France, essayer de dégager les règles de grammaire anglaise avant de savoir parler l'anglais au moins approximativement, c'est inviter l'élève, l'apprenant à l'oubli et l'amener à l'incompréhension et au dégoût.

22 - BIO-PSYCHOLOGIE GÉNÉTIQUE. "L'enfant est un être programmé pour apprendre."

Seize semaines après la fécondation, écrit Jean-Pierre CHANGEUX, les divisions cellulaires s'arrêtent. Bien avant la naissance, le nombre maximum de neurones corticaux est donc atteint. L'homme naît avec un cerveau dont le nombre de neurones ne fera que diminuer par la suite. (...) Les grandes lignes de la connectivité du cortex cérébral, chez le singe comme chez l'homme, se mettent en place avant la naissance.

Le poids du cerveau humain est d'environ 300 grammes à la naissance. Son poids adulte sera multiplié par 5. Les neurones disparaissent en grand nombre dès la naissance. Cependant le poids du cerveau augmente avec la croissance. Cette augmentation ne joue donc pas sur le nombre de cellules cérébrales (neurones) mais sur l'accroissement de la connectique cérébrale : les axones et les dendrites, la formation des synapses, le développement des grains de myéline autour des axones. Autrement dit, ce que le cerveau humain perd dès la naissance en quantité cellulaire, il le récupère en qualité connectique par le développement ébouriffé et ébouriffant d'un écheveau de connexions des terminaisons arborescentes de neurones. Ce passage d'un capital neuronique diffus et labile, selon les termes de CHANGEUX, à un placement, avec intérêts, une mise en place de circuits s'effectue selon le pouvoir des gènes.

Quels que soient l'ethnie, le climat ou l'environnement, l'autorité des gènes assure l'unité du cerveau humain au sein de l'espèce.

CHANGEUX décrit donc l'apparente régression d'un système qui, jusqu'à la naissance, était redondant et diffus. Mais l'élimination des neurones et des terminaisons nerveuses s'accompagne d'un accroissement de l'ordre du système.

Ce gâchis trompeur est loin d'être unique dans la nature. En remontant aux origines du Temps, on voit que c'est une suite de phénomènes semblables qui ont suivi le Big Rang et, littéralement, créé l'Univers matériel dont nous sommes, des chocs de particules aux agrégats d'atomes, des combinaisons molécu­laires au langage des acides aminés. Qu'on pense aux grains de pollen dispersés aux quatre vents pour que quelques pistils gonflés d'ovules soient fécondés. Qu'on songe à l'armée formidable des sperma­tozoïdes se ruant à l'assaut de l'ovule. Face aux aléas du siècle, la nature oppose souvent la force du très grand nombre.

Cependant, lorsque l'enfant paraît, avec ses neurones surnuméraires, il est déjà équipé d'un ensemble sensoriel complet, mis au point pendant la vie embryonnaire puis fœtale. Cet ensemble psychosensoriel n'est pas vierge puisqu'une activité spontanée (génétiquement programmée) s'y est manifestée très tôt.

C'est - selon CHANGEUX - l'expérience, et nous venons de voir qu'elle est très précoce, qui va sélectionner des combinaisons de connexions précédemment et génétiquement établies. D'autre part: (...) le même message entrant peut stabiliser des organisations connexionnelles différentes, mais conduire néanmoins à une relation entrée-sortie identique. Cette variabilité de la connectivité rend compte simplement de la variabilité phénotypique notée entre individus isogéniques (vrais jumeaux). Elle rend compte également de la diversification des singularités neuronales au sein d'une même catégorie de neurones, sans faire appel à une quelconque combinatoire génétique. - Jean-Pierre CHANGEUX

Ce qui veut dire que très tôt des réseaux corticaux vont être mis en place par l'expérience qui sera mémorisée. En cas de forts besoins de sécurité, on va, dans les systèmes technologiques, doubler, tripler ou décupler les circuits afin de pallier toute défaillance. La sélection du système cortical fait mieux que décupler les circuits. Elle les multiplie, les renforce, les spécialise ou au contraire les banalise, bref, les complexifie pour les rendre plus opérationnels. On pourrait dire qu'elle ne met pas tous les oeufs cognitifs dans le même panier neuronal... Là encore, on retrouve dans la nature ces comportements qui consiste à multiplier les caches, introduire des leurres, disperser les richesses (génétiques ou alimentai­res) afin de toujours laisser une chance à la vie...

En outre, chez l'humain (...) des signes et des symboles évocateurs d'objets mentaux sont enregistrés dans des substrats sans neurones ni synapses comme la pierre ou le bois, le papier et la bande magnétique. Une tradition culturelle s'installe.

Nous sommes ici dans le domaine de l'immense mémoire morte, à proprement parler, culturelle de l'Humanité. Nous sommes loin d'avoir exploité les ressources de notre propre cerveau organique. Cela ne nous empêche pas d'user (et parfois d'abuser) de prothèses inventées par notre culture. Le néophyte découvre très vite la dérisoire imbécillité d'un ordinateur. Très vite aussi, il va se rendre compte que la machine, loin de pouvoir le dominer, va lui donner l'occasion de parfaire sa propre intelligence.

Les médiathèques, les banques de données, les logithèques les plus diverses, les systèmes experts les plus sophistiqués ne sont pas en concurrence avec notre cerveau imaginant En libérant notre mémoire organique de surcharges inutiles, en réalisant pour nous des opérations répétitives fastidieuses, en simulant virtuellement de coûteuses expérimentations, ces traces de mémoires et ces outils-prothèses peuvent laisser la place à la créativité et à la vraie recherche, celle qui réconcilie l'homme avec lui-même et avec le cosmos dont il est issu et auquel il participe.

23- UN CERVEAU "À TROIS ÉTAGES". L'éducation ne peut oublier que nous sommes des vertébrés, mammifères, homo sapiens démens. (Cette expression est due à Edgar MORIN)

II convient de signaler préalablement que les recherches en neurobiologie, intelligence artificielle, psychologie cognitive, etc. sont en perpétuelle mutation. Parler de "trois cerveaux superposés" est commode mais ne saurait nullement mettre en question l'unité du cerveau humain. Que nous soyons à la fois des vertébrés, des mammifères de l'espèce homo est une évidence biologique et historique. Cependant, cette évidence n'est pas universellement admise puisque certains continuent de défendre la thèse créationniste de l'origine de l'Homme. Notre nature d'animal culturel est porteuse de complexité et donc d'apparentes contradictions. Connaître nos déterminismes, appréhender ce qu'il y a d'instinctif dans nos conduites les plus quotidiennes doit nous aider à mieux comprendre ce que nous sommes, chacun d'entre nous et à l'échelle de l'espèce humaine.

LE CERVEAU REPTILIEN, LE CERVEAU PRIMAIRE OU HYPOTHALAMUS EST LE MOTEUR DE NOTRE SURVIE. Les schémas qu'il commande sont figés, rigides, stéréotypés. C'est là que réside l'instinct fondamental de conservation. Il se traduit suivant les circonstances par la fuite, les comporte­ments agressifs, le combat, les diverses formes de parades sexuelles, l'accouplement, l'élevage et la défense de la progéniture. Chez les animaux, ces manifestations instinctives peuvent paraître presque mécaniques, routinières. C'est le fascinant ordonnancement d'une ruche ou d'une fourmilière, c'est l'inlassable recherche de nourriture dont on gavera les petits dénués d'autonomie, ce sont les rituels d'apprentissages observables chez des oiseaux ou des mammifères. Si le hasard vient contrarier la routine de l'instinct, des modalités d'adaptation se mettent en place dans l'agitation et la panique hormonale. C'est le stress qui commande les conduites de fuite, de mise à l'abri, de lutte contre l'intrus ou le prédateur.

Dans la gent humaine, ces comportements peuvent être déguisés et camouflés sous le vernis culturel. L'habitude, la ritualisation de gestes apparemment anodins, enfouis dans la quotidienneté ont un effet rassurant, calmant En classe, cela concerne la place, la "querencia" de chacun, le marquage de l'espace et du temps. Les petits groupes humains sont régis par des lois hiérarchiques implicites que l'on peut observer chez certains singes et que Hubert MONTAGNER a repéré dans les crèches. Là, toute une communication non verbale est mise en jeu ainsi que les péripéties d'une lutte inconsciente pour le pouvoir.

L'imitation est un élément essentiel de la construction de la personnalité dès le plus jeune âge. Il s'agit d'une manifestation primaire. Les divers toilettages jouent un rôle dé-stressant après des moments d'excitation ou d'anxiété. Ils participent à l'élaboration du schéma corporel et à une première sociali­sation. Ils perdurent évidemment sous des formes plus subtiles et discrètes : curage de nez ou d'oreilles, frottements des mains, du visage, époussetage d'un vêtement, rituels de fumeurs, etc.

L'odorat est de nos cinq sens le plus ancien, le plus archaïque. C'est aussi dans la sphère olfactive que se construisent des émotions premières, prégnantes. Nous avons tous le souvenir d'une maîtresse d'école qui sentait bon ou, au contraire, d'un adulte ou d'un enfant dont l'odeur, l'haleine nous répugnait. Il y a là des aspects fondamentaux» profonds, de notre relation au monde que les éducateurs ne devraient pas tant négliger.

Il n'y a pas de vandalisme dans les écoles maternelles et dans les écoles élémentaires où l'importance du cerveau reptilien est consciemment ou non prise en considération. Si un enfant n'a pas sa place à l'école, ses réseaux de circulation, ses rituels hiérarchiques, il s'y sentira étranger et partant, en état d'insécurité. Il commencera par des graffitis sur un pupitre, puis dans les toilettes, et finira éventuelle­ment par incendier l'établissement. On connaît des enfants pour qui le simple fait d'aller satisfaire des besoins naturels dans des endroits froids, inadaptés, sales, humiliant la plus élémentaire pudeur constituait d'avance une véritable angoisse. On comprend aisément que des réponses verbales, langa­gières, rationnelles ou morales ne sont que des incantations stériles face à des demandes qui sont de l'ordre de l'instinct, du corporel, de ce qui est le plus primitivement animal en chacun de nous. Avant de discourir sur les grandes vertus et la philosophie de l'éducation, il faut concrètement veiller à ce qu'il y ait de quoi se torcher le cul et se laver les mains dans les écoles, collèges et lycées...

LE CERVEAU MAMMIFÉRIEN, LE CERVEAU SECONDAIRE, LE CERVEAU LIMBIQUE OU PALéO-CORTEX EST LE CERVEAU DES APPRENTISSAGES PREMIERS, DE LA VUE ET DE LA MÉMOIRE.

Ici, la tonalité, la couleur émotionnelle est capitale dans l'élaboration de la personne. Les réponses du cerveau reptilien aux accidents de la vie sont stéréotypées. Le cerveau limbique intègre l'expérience. Il distribue à chaque événement de la vie une appréciation. Tout cela va être mémorisé, enrichi, affiné, nuancé jour après jour. La crème au beurre, c'est bon, doux, gras et sucré mais attention si j'en abuse je serai malade ! Oui, mais si je suis malade, je reste à la maison et Maman s'occupera de moi...

Chacun crée donc une véritable écologie et économie du plaisir et de la douleur. Chacun élabore sa propre alchimie entre principe de plaisir et principe de réalité. Les masochistes sont rares et, il faut vraiment détester très fort le cours d'éducation physique pour se fabriquer un véritable torticolis qui en dispensera pendant deux séances,..

On cherche naturellement à réitérer les expériences heureuses et à fuir celles qui provoquent l'aversion. Disons-le tout net : l'École est rarement motivante. Disons-le encore : les choses se sont améliorées du point de vue de l'accueil, du confort et de la discipline en un siècle. Ajoutons : on peut faire beaucoup mieux, dans le domaine de la coopération, de la responsabilisation, de l'autonomie, de l'organisation collective, bref, de la démocratie.

LE CERVEAU HOMINIEN, LE CERVEAU TERTIAIRE, LE CERVEAU SUPÉRIEUR OU NEO-CORTEX CONCERNE LE LANGAGE, L'ABSTRACTION, LA SYMBOLIQUE, LE DISCOURS ET L'ART. C'EST LE CERVEAU CRÉATEUR.

Répétons-le : ce cerveau ne fonctionne pas indépendamment des deux autres. Voici trois niveaux d'organisation qui sont en étroite interaction.

Le système primaire est proprement vital. Il gère et régule les fonctions élémentaires de notre existence. Ce système est archaïque, rigide, peu adaptable. L'ignorer est une erreur pédagogique majeure.

Le système secondaire traite, en leur attribuant une coloration émotionnelle, les moindres événements de la vie, d'instant en instant. La mémoire intègre chaque donnée et, à mesure, se restructure. C'est un système très modulable, dynamique, particulièrement malléable pendant la prime enfance mais qui le demeure relativement jusqu'après l'adolescence.

Le système tertiaire gouverne la discrimination sensorielle et la pensée rationnelle. On peut l'imaginer comme un super-ordinateur. Il programme, anticipe, évalue. Le néo-cortex est souvent présenté comme l'aboutissement triomphal d'une évolution conduisant de la bête au demi-dieu. On ne contestera pas ici les magnifiques créations de l'esprit humain dans tous les domaines possibles. Cependant, l'éducateur ne doit pas négliger ce que le cortex contient de jeux, de délires, d'inventions farfelues et pour tout dire de folie... Délirer, c'est littéralement, s'écarter du sillon. Il est clair que la création artistique, scientifique ou technique doit beaucoup au délire, au jeu, au remue-méninges. De la même façon, l'Histoire est pleine de la folie meurtrière des hommes. Les holocaustes ne sont pas bestiaux. Ils sont au contraire terriblement, atrocement humains. Ils sont aussi des créations de l'homme...

Les bonnes habitudes sociales (politesse, civisme, respect d'autrui...) s'acquièrent au cours de l'enfance. On peut ensuite les mettre en question, en mesurer la relativité : tel geste de déférence ici devient indécent dans une autre contrée. Il s'agit là d'une réflexion philosophique. Les dernières décennies ont franchement négligé l'apprentissage des attitudes sociales cohérentes. Ce fut une erreur qu'il convien­drait de corriger. De la même façon, il est nuisible pour la société de ne mettre en exergue que les comportement originaux ou déviants voire franchement délictueux. La marginalité n'est pas nécessai­rement heureuse et exemplaire. Il ne faut pas craindre la vérité. La création va souvent de pair avec une certaine originalité, une forme plus ou moins nette de névrose. Il est absurde de cacher aux adolescents les coulisses souvent douloureuses d'une créativité dont le moteur essentiel est l'angoisse. Il ne s'agit pas d'exclure les poètes de la Cité, ni de les admettre, émasculés, réduits à leur caricature. E faut simplement établir la vérité : "Un poète, ça boite toujours un peu" (Jean COCTEAU).

24 - UN CERVEAU "À DEUX PLACES". L'éducation ne peut oublier la spécificité hémisphérique du cerveau.

L'éducation privilégie le cerveau gauche : verbal, analytique, symbolique, abstrait, temporel, rationnel, numérique, logique, linéaire.

L'éducation devrait rendre sa place au cerveau droit : non-verbal (il existe une communication qui ne passe pas par les mots mais par la mimique, la gestuelle, l'intonation, l'émotion), synthéti­que, concret (c'est la chose qui détient la vérité, non le maître), analogique (métaphorique), atemporel, non rationnel (ne pas être rationnel ne signifie pas manquer de raison, c'est aussi ne pas juger, ne pas avoir d'a priori), spatial, intuitif, global.

C'est dans le domaine des arts et des activités corporelles (éducation physique et sportive) que l'hémisphère droit trouve évidemment le mieux à s'exprimer.

Notre pays a le tort de penser qu'hors de la langue et des mathématiques, il n'est point de salut. Les activités manuelles sont admises à l'École maternelle puis, dans l'enseignement professionnel ou technique où elles sont évidemment spécialisées. L'École élémentaire et le Collège les ignorent presque complètement. Ce mépris du corps et de la main condamne inéluctablement de nombreux enfants et adolescents.

Dans les temps reculés et dans certaines civilisations, la musique est considérée comme un art sacré, comme un mode de vie. Il est clair que la synthèse réalisée ces dernières années sous le nom de world music constitue une forme de langage universel non verbal qui parle immédiatement à des jeunes sous de très diverses latitudes. Si, concernant les arts plastiques, l'École a su s'engouffrer dans toutes les supercheries et toutes les falsifications de ceux que DALI nommait les cocus du vieil art moderne, allant jusqu'à une dénaturation complète du goût et une méconnaissance de l'histoire de l'art, l'institution s'est avérée incapable de prendre en compte l'ampleur de la formidable révolution musicale des trente dernières années.

Alors que les enfants vivent dans un bain d'images sans précédent dans l'histoire de l'Humanité, l'École demeure frileusement dans l'univers livresque. Ainsi, le pouvoir de l'image est-il concentré, sans partage, entre les mains de quelques consortiums. Nous vivons aujourd'hui, alors que les micro-ordinateurs permettent à chacun d'être son propre éditeur, dans une situation monopolistique et presque sacralisée, théocratique de l'image. L'arrivée sur le marché de produits virtuels est imminente. Il faut s'attendre à une véritable mutation civilisationnelle lorsque les mondes virtuels seront démocratisés et commercialisés à des prix raisonnables. Car la véritable démocratisation c'est précisément lorsque les moyens de production et de création sont accessibles à tous et qu'ils deviennent alors détournables après avoir été successivement inaccessibles, indispensables, incontournables et insoutenables: la télévision vingt-quatre heures sur vingt-quatre fait partie de la punition qu'on inflige aux prisonniers...

Le livre a d'abord été l'apanage de quelques uns. Il s'est répandu (comme objet de consommation) au XIXième siècle. Les outils actuels de P.A.O. permettent virtuellement à chacun de devenir auteur auto-édité dans des conditions assez satisfaisantes techniquement. Mais c'est précisément quand le livre se banalise que son potentiel émancipateur se dévalue. C'est donc l'image transmise (dans sa plus large acception) et plus généralement l'information en temps réel qui échappe désormais aux citoyens.

Le devoir démocratique de l'École réside aujourd'hui dans la conquête de l'information et de sa maîtrise par le plus grand nombre.

25 - THÉORIE HOLOGRAPHIQUE DU CERVEAU. Les apprentissages de apprenti-fou...

Un hologramme est une image en trois dimensions. La technique a été inventée en 1947 par Dennis GABOR L'intérêt de l'holographie ne réside pas seulement dans le fait qu'il s'agit d'une photographie en relief. Dans une photographie classique chaque point de l'image correspond à un point de l'objet représenté. Dans un hologramme, chaque point contient l'image tout entière. Une plaque photographique ne contient qu'une seule image en deux dimensions. Au contraire, une même plaque holographique peut renfermer plusieurs images tri-dimensionnelles. Chaque image apparaît selon l'angle du rayon laser et sa longueur d'onde.

Il est tentant d'imaginer que le cerveau fonctionne sur un mode holographique. Cette analogie est déjà ancienne et, comme toute construction théorique, semble déjà dépassée. Nous nous y tiendrons pour le moment Elle est utile pour montrer que l'apprentissage n'est pas déterminé de façon absolue. On peut e à écrire et à lire du bout des doigts si l'on est aveugle. On peut apprendre à lire sur les lèvres et par gestes si l'on est sourd. On peut apprendre à dessiner avec la bouche ou avec les pieds si manchot, etc. C'est dire que les modes d'apprentissages sont variés, malléables et déclinables circonstances. Les vieilles localisations cérébrales : la bosse des mathématiques, le centre du langage sont devenues obsolètes.

Il semble que le cerveau fonctionne comme une machine holographique. La partie contient le tout. Ou plus exactement, chaque partie, convenablement éclairée - et la lumière est ici une coloration émotionnelle , un repère spatio-temporel, un jeu de mot engrammé, un extrait de texte, un indice mnémonique - chaque partie donc contient un tout qui lui-même n'est qu'une partie de la réalité.

L'hologramme, comme le cerveau, permet à la fois une vision globale et une vision du détail., une approche globale des relations entre éléments c'est-à-dire une synthèse et une analyse fouillée des tous les éléments constitutifs de la totalité.

Nous retrouvons ici les propriétés de la géométrie fractale exposées plus haut.

Depuis plus de tente-cinq ans, et selon des éclairages disciplinaires différents : biologie, systémique, théorie du chaos et des structures dissipatives, intelligence artificielle, cosmogonie, etc. les chercheurs cernent la complexité du monde. Or, la philosophie et la pédagogie (considérée comme science de l'éducation) se sont coupées de la réalité des sciences humaines. Les avancées théoriques ou technologiques n'ont été reprises par l'institution éducative que sous la forme de mots d'ordre très affadis, souvent extraits artificiellement de leur contexte scientifique. L'École a fait preuve en ce domaine de la vulgarisation de la pire espèce, car on a toujours supposé que les enseignants de terrain étaient trop bêtes pour comprendre. Pratiquement, on a réalisé d'ineptes saupoudrages (apprentissage des langues, informatique, technologies audiovisuelles) qui n'ont satisfait personne et laissé à la plupart un goût d'amertume.

Essayons d'imaginer un vaste appareil d'éducation fonctionnant sur le modèle holographique : la plus partie contient le tout. La plus petite école reçoit la même quantité et qualité d'information que L'école (institution). Il n'y a pas de différence de nature entre une équipe ministérielle et une équipe pédagogique de terrain. On accepte enfin de laisser s'épanouir les perturbateurs des mouvements pédagogiques, les expérimentateurs sauvages, les inventeurs de procédés relationnels ou didactiques, les amplificateurs d'émotions, les intégrateurs de comportements déviants, les braconniers du savoir.


Le mot somme, pris comme le résultat d'une simple addition est évidemment impropre lorsqu'il s'agit de systèmes et d'information. L'étymon summa qui exprime sommet est, comme souvent, plus pariant...
L'information peut-être mesurée (en bits, par exemple). Qu'ils soient ou non porteurs de sens, le nombre de bits transmis demeurera constant que le message soit clair ou absurde. Énergétiquement, dans un câble de télécommunication, un dictionnaire constitué de millions de caractères en désordre équivaut à un dictionnaire ordonné. On voit bien que la différence est ailleurs, en amont, dans la création, l'élaboration patiente de l'ouvrage, sa subtile organisation. Former, donner du sens est un acte hautement néguentropique. Cela va au-delà de la somme des éléments. C'est pourquoi l'original vaut toujours plus que la copie. L'École qui ne fait que transmettre, reproduire, copier (actes néanmoins irremplaçables dans les processus d'apprentissages) n'est point parvenue à optimiser sa vocation. Car l'École devrait être créatrice. De la même façon, un individu qui n'est qu'un héritier se contentant de gérer, sans l'enrichir, puis de transmettre, tel qu'on lui a légué, un patrimoine, n'aura rien apporté à l'inlassable combat néguentropique de la vie. Au mieux, il aura fait acte de maintenance... 

 

DIDACTIQUE

Avant de se lancer dans des mathématiques de haute volée, il convient de chercher à savoir ce qu'un enfant entend lorsqu'on lui demande de classer des nombres dans l'ordre croissant. Disons-le, le verbe croître est assez peu utilisé. Le croissant évoque prioritaire ment la viennoiserie matinale. Cette interprétation peut avoir des suites fâcheuses si l'on n'a pas pris soin, avant d'asséner des notions mathématiques, d'effectuer avec les enfants un travail de vocabulaire, un travail sur la langue...

A un enfant vivant en plaine, la notion de confluence ne parle absolument pas. Aussi lorsqu'on lui dit que la Loire arrose Orléans et que la Seine se jette dans la Manche, on a tout intérêt à présenter des photographies parlantes montrant clairement qu'un estuaire n'est pas une cataracte et qu'un fleuve n'est pas une pomme d'arrosoir ! De toutes façons, concernant les faits géographiques, on créera avec profit un micro-monde dans une cour ou dans un jardin avec du sable et des cailloux, un réseau de petites sources émanant d'un tuyau d'arrosage enterré, percé en plusieurs endroits et figurant "hydrologie souterraine. Après quoi, on verra, en temps réel, se creuser des lits, s'emplir des vallées et des lacs. Un fleuve de trois mètres de long recevra des affluents de droite et de gauche, l'amont et l'aval étant clairement définis. Le débit pouvant varier grâce à un simple robinet, il sera possible d'accélérer les phénomènes d'érosion et de transfert de matière géologique. On pourra voir les monts s'araser et les plaines s'enduire de limons quand les cours d'eau, paresseux, contourneront les obstacles de brique ou de silex en formant de jolis méandres.



DICTIONNAIRE DE MATHÉMATIQUES ÉLÉMENTAIRES

par Stella BARUK - SEUIL - 1992.

 

DIDACTIQUE

Clés de la pédagogie interactive

(d'après Gabriel RACLE - LA PÉDAGOGIE INTERACTIVE - Retz 1983)



I - La pédagogie interactive est une pédagogie multimodale, tenant compte de la spécificité hémisphérique du cerveau, elle intègre les réactions du cerveau émotionnel dans les processus d'apprentissage. Elle n'est pas linéaire, construite avec une apparence de logique et de raison, mais elle est multidimensionnelle, buissonnante, rayonnante, en réseau ou en mosaïque. Elle est donc non seulement rationnelle mais aussi artistique et émotionnelle.

II - La pédagogie interactive est une pédagogie globale. L'apprentissage est une activité globale de l'être humain et comporte des composantes physiques, corporelles. Il doit s'intégrer dans les rythmes fonctionnels de l'apprenant pour en choisir les moments les plus opportuns (chronobiologie).

III - La pédagogie interactive est une pédagogie différenciée. Elle reconnaît l'existence des différences individuelles fondées sur le patrimoine génétique et le vécu expérimental.
Elle s'adapte à ces différences par la diversité de ses modes de présentation des données enseignées, la structuration de ses activités, ses stratégies multimodales.

IV - La pédagogie interactive est une pédagogie générative. L'apprentissage est un processus actif. La compréhension est un processus constructif et non une démarche passive. Le cerveau peut faire des hypothèses, des regroupements, des associations. L'apprentissage n'est pas le résultat d'une démarche étape par étape, mais d'une organisation active, à partir d'une appréhension globale.

V - La pédagogie interactive est une pédagogie relationnelle. Elle tient compte des interactions entre l'apprenant et son environnement et valorise tout spécialement le r61e de l'enseignant.

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DES SCIENCES DU CERVEAU A L'ÉMERGENCE DE NOWELLES VALEURS: VERS UNE CONCEPTION ORIGINALE DE L'ÉDUCATION

par Gérard PINSON - Centre d'études interdisciplinaires de la Pensée (C.E.I.P.) - Lyon 1981