100 PRINCIPES POUR L'ÉCOLE - Plan
GENÈSE D'UN LIVRE - Ré-écriture d'un entretien avec Edgar Morin - LE CANTIQUE DES CANDIDES -
PRINCIPES ISSUS DE LA THERMODYNAMIQUE - PRINCIPES ISSUS DE LA BIOLOGIE - PRINCIPES ISSUS DE LA SYSTÉMIQUE
PRINCIPES ISSUS DE LA NEUROBIOLOGIE - NÉCESSAIRE ÉMERGENCE DE NOUVELLES VALEURS - PRINCIPES PÉDAGOGIQUES
PRINCIPES ISSUS DES CONSULTATIONS NATIONALES - DE L'AMOUR
***
PRINCIPES ISSUS DE LA SYSTÉMIQUE
lien annexe : communication et information
***
"Un système est un ensemble d'éléments en interaction dynamique, organisé en fonction d'un but." - Joël de ROSNAY - LE MACROSCOPE
COMPOSITION D'UN SYSTÈME.
-
Aspects structuraux :
Le
système est cerné par une limite, une frontière qui le distingue de son
environnement. Il
est constitué d'éléments qui sont, entre autres, les agents du système.
Il
possède des réservoirs ; ici, il s'agit de mémoires informationnelles
(textes et instructions, archives, documentation,
masse de connaissances et de savoirs, etc...), de réserves financières, de
biens meubles et immeubles, etc...
Il
existe un réseau interne de communication et des liaisons externes avec
l'environnement.
-
Aspects fonctionnels :
Le
système connaît des flux d'information, d'énergie, de travail, de
personnels, d'argent. Il est doté de vannes que sont les différents
centres et niveaux de décision : c'est la hiérarchie et l'ensemble de l'administration
et de ses agents. Ce sont aussi des organismes internes ou satellites attachés
au système.
Un
système agit et réagit selon des délais ou temps de réponses plus ou
moins importants.
Il
existe entre les différents éléments du système des boucles de rétro-action.
L'exemple classique de la
boucle de rétro-action, c'est le thermostat : la chaudière est assujettie à
un thermomètre qui la stoppe dès
que la température souhaitée (20°, par exemple) est atteinte. La chaudière
ne fonctionnant plus, la température
s'abaisse. Dès que la température minimale choisie par l'utilisateur est
atteinte (18°), le thermostat déclenche à nouveau la chaudière. H y a là régulation
et stabilité. La variation de la température
est de 2°. Les nouvelles données corrigent les effets des données précédentes
et régulent le système. On dit que la boucle de rétro-action est négative
car le thermostat réagit en stoppant ou en activant
la chaudière.
Une
boucle de rétro-action est dite positive lorsqu'il y a renforcement et
cumulation des effets. C'est la cas sur une péniche qu'on souhaite garder dans
l'axe du canal. Or, un bateau de ce type réagit lentement au coup de barre. À
droite, par exemple. Le pilote inexpérimenté, inquiet de l'absence de réponse
de la péniche,
va virer davantage. Quand le bateau amorcera son virage, le pilote va
s'apercevoir que sa correction a été trop violente et que le bateau désormais
tourne vers tribord et s'écarte résolument du cap.
II va vouloir compenser en mettant la barre à gauche toute. Le bateau va donc
faire un virage brutal et entamer une série de zigzag qui risquent de l'entraîner
vers un échouage. La solution, c'est de stopper et
de retrouver posément le cap.
Une
réponse violente à la question de la violence a toutes les chances de
provoquer une escalade et, par conséquent, un drame. À une action violente
doit répondre une action non-violente proportionnelle. Le problème,
c'est que la violence est facile, rudimentaire, entropique. Au contraire, la
non-violence est difficile à concevoir, elle exige une intelligence, elle va
dans le sens de la complexification. Elle est néguentropique.
Supprimez
tous les jeux dans une cour de récréation et vous devrez exercer une
surveillance de tous les instants.
Cela n'empêchera pas les brutalités et les accidents. Aménagez votre cour,
avec les enfants. Mettez au point, avec tous,
une série de règles d'utilisation des installations, confiez à des
responsables volontaires ou élus le
soin de réguler les premiers conflits et vous pourrez aller boire votre café
en toute quiétude.
L'autonomie
suppose une extrême organisation. Elle ne se décrète pas. Conséquence de
votre laxisme, l'autonomie des enfants porte un nom : la pagaille.
"FREEDOM,
NOT LICENCE". C'était
le titre d'un livre d'Alexander
NEIL, pédagogue libertaire de Summerhill.
La traduction française de cet ouvrage était "La liberté, pas
l'anarchie". Ce titre est une imposture. Le mot licence existe en
français. La licence, la pagaille, le chahut, le bordel ne sont pas l'anarchie.
L'an-archie, l'auto-gestion, le self-government suppose une
responsabilisation de tous et de chacun, un
sens aigu de la citoyenneté, une véritable éducation au jour le jour.
11
- POUR CONSERVER LA STABILITÉ DE L'ENSEMBLE, IL FAUT PRÉSERVER LA DIVERSITÉ
DES ÉLÉMENTS.
Il
faut ici expliciter certains termes. Les mots ordre, désordre, organisation,
information, stabilité, catastrophe,
système ouvert, système fermé n'ont pas toujours leur sens commun. Or,
certains mots sont connûtes négativement. On n'aime généralement pas le désordre.
Or, en physique, le désordre moléculaire
peut produire du travail. À l'inverse, l'ordre peut être synonyme de mort,
d'inertie énergétique. Une
catastrophe est, au sens premier, une rupture qui détermine l'achèvement ou la
naissance d'un cycle. Un
système énergétique fermé n'existe pas dans la réalité. C'est une spéculation
intellectuelle. Tout système
réel est ouvert. Un système fermé finirait tôt ou tard par perdre tout
potentiel par accroissement d'entropie.
Les
systèmes réels, notamment les systèmes vivants sont ouverts sur des systèmes
plus vastes et plus complexes qui les incluent et les intègrent
Ainsi,
une famille fait partie d'une ville, d'une région, d'une nation qui appartient
elle-même à un continent,
à une ou plusieurs entités macro-économiques, à un écosystème, à une
biosphère, à la planète, à
un système solaire, à une galaxie...
Lorsque
je m'expose trop au soleil (étoile proche) et que je risque un cancer de la
peau, je mets en jeu la
sécurité sociale et mes proches parents. Il y a permanence d'échanges entre
différents systèmes, entre différents
niveaux d'organisation. Ne pas tenir compte de la quatrième dimension qu'est le
Temps est évidemment une erreur. Tout système baigne dans la durée, donc évolue
d'instant en instant. Certains systèmes
ont en outre une ou plusieurs mémoires de leur propre durée. Certains systèmes
ont conscience de
leur existence. Il y a là des processus récursifs qui augmentent considérablement
la complexité des ensembles.
Je
prie mon lecteur d'avoir ces idées en tête lorsqu'il s'agit de systèmes
bio-sociaux comme le système éducatif
(méta-système), l'établissement scolaire (macro-système), l'équipe éducative,
la famille ou l'individu
(micro-système). On comprend bien que l'individu devient méta-système pour
l'organe biologique
lequel est, à son tour, un méta-système pour la cellule.
Je
prie mon lecteur d'accepter l'idée défendue par certains, à la suite de MANDELBROT,
selon laquelle on retrouve les mêmes structures fractales quelle que soit l'échelle
où l'on se situe et d'où l'on observe. La
symétrie à la fois singulière et plurielle des cristaux ; le contour déchiqueté
d'une côte rocheuse, granitique
; les structures dissipatives d'un ensemble nuageux ; les turbulences autour
d'une maquette d'avion
; les effondrements liquides d'une chute d'eau; un paysage de hautes montagnes ;
les frondaisons d'une
forêt obéissent à une géométrie étrange dite fractale. Les formes ont
l'air d'être aléatoires. En réalité,
une organisation sous-jacente détermine le hasard.
Cette
organisation, cette information (littéralement, cette mise en forme) du chaos
sont mesurables, identifiables.
Évidemment, ces mensurations n'ont pas la rigueur déterministe de ce qui entre
dans la géométrie
euclidienne et la physique classique. Nous sommes ici dans le flou, le mou, l'élastique,
le visqueux,
le nébuleux, l'irrégulier, l'informe, l'imprévisible. L'eau liquide et la
glace solide sont dans la
physique classique et rassurante.
La
dimension fractale d'une droite est 1. La dimension fractale d'un plan est 2.
Une courbe irrégulière qui
"remplit le plan" aura une dimension fractale proche de 2 : 1,967 par
exemple. Ainsi la ligne brisée, irrégulière,
fragmentaire, propre au littoral granitique de la Bretagne est-elle la même que
l'on soit à 5 kilomètres
d'altitude, l0 mètres, 1 mètre ou même sous la loupe. C'est ce que Benoît MANDELBROT
nomme la
self-singularité.
La
forme de l'arbre contient la forme des nervures et le réseau des racines.
Chaque partie d'un hologramme comprend la totalité de l'image holographique.
Ma
mémoire n'est pas exactement localisée dans l'ordinateur neurophile qui me
sert de cerveau " (Léo FERRé).
Ma mémoire est morcelée, dissipée dans des milliards de neurones et des
milliards de connexions. Ma mémoire n'a
rien d'un fichier figé dans une armoire ou
dans un ordinateur, avec des adresses,
des codes immuables. Ma mémoire est en mouvement et classement perpétuel.
Chaque
élément nouveau pris à l'environnement ou aux strates mêmes de ma mémoire
en recompose la
totalité des éléments et des connexions.
Appliquons
cette vision des choses aux phénomènes sociaux et notamment ici, éducatifs.
Je ne dis pas "Appliquons
cette loi". Ne parlons pas de science, mais ici, d'esthétique. Comme MANDELBROT
qui déclare : "Je transformais les
problèmes mathématiques pour les rendre plus élégants.
Essayons de rendre la politique éducative plus élégante (de eligere
: choisir),
Il
n'y a pas de différence de nature entre l'organisation ministérielle, celle
d'un rectorat, d'une académie et celle d'un établissement scolaire.
Les
fonctions prétendent être diversifiées. Mais les schémas hiérarchiques,
eux, sont les mêmes à tous les niveaux. Ils
expriment une vision statique de systèmes simples. On fait comme si l'École était
un système fermé, où s'expriment
des forces selon une causalité linéaire. Dans cette approche très traditionnelle,
les comportements du système sont prévisibles, reproductibles et réversibles.
En réalité, le système est complexe. Il évolue
dans le temps et donc est dynamique. Ne s'y expriment pas des forces, mais
des flux, selon une causalité circulaire, en boucle. Dans cette approche systémique,
les comportements du système sont imprévisibles, non reproductibles,
irréversibles. Cependant, voici au sein même de la côte granitique de
dimension fractale 1,732, une crique de sable blanc, une poche de silice taillée
comme un ongle (D.F. : 1,102). Voici en
plein ouragan météorologique, une oasis de paix dont va jouir le navigateur.
Voici une clairière dans la masse étouffante de la forêt. Voici un village où
l'on s'exprime en sifflant, au sein d'une nation bavarde. Voici un département,
une circonscription, une école atypiques dans l'immense appareil grisâtre.
Ici,
les relations sont relativement harmonieuses, on travaille avec plaisir, on est
assez efficace. La structure
chaotique du réel est ici, à proprement parler, domestiquée, apprivoisée. Il
n'y a pas nécessairement moins
de règles, plus de respect, davantage d'efforts, moins de contraintes.
Dans
le vaste Appareil, il y a beaucoup de paroles. Du non-dit, davantage encore. Peu
d'actes. Ce que les
gestionnaires prennent pour des actions ne sont que des velléités. Il revient
à ma mémoire une responsable
de GRETA (groupement d'établissements, spécialisé dans la formation continue)
dont le tic de langage était : "On a monté une action". On monte un
coup, on monte un dossier, on monte sur ses
grands chevaux. Une action, ça se prépare et ça se fait. Dans les poches de réussite
relative, les paroles
servent les actes. Le verbe s'y fait chair. Qu'on décide par oukases de
transformer la côte granitique
en plage de sable fin, et l'on aboutira à l'aridité du désert !
Le
législateur a pressenti que les "grilles de lecture" pour appréhender
le réel dans sa complexité, fonctionnait
comme une trame photographique. On peut affiner à l'infini la résolution de la
trame, une part de la réalité demeure dans l'ombre. C'est ce qui se cache
derrière les fils de la trame que se trament les
mauvaises surprises du réel. On ne lit pas avec une grille. On lit avec les
yeux et le cerveau. Une grille de lecture, ce sont des barreaux noirs sur
les couleurs de la réalité. Une grille emprisonne.
Les
"réformateurs" sont rarement intuitifs. Ce sont des raisonneurs. Un
politique, un décideur qui dirait : "J'ai l'intuition
qu 'il faut agir de cette manière. Je n 'ai pas de preuve, mais je le sens.
" se ferait étriller, car
Concrètement,
voyez si les établissements scolaires ont été construits autour et avec les
enfants et les
12
- TOUCHER À UNE PARTIE DU SYSTÈME DÉRÉGULE L'ENSEMBLE DU SYSTÈME.
Ce
principe est à lire aussi dans un sens positif : TOUCHER À UNE PARTIE (SAINE
OU MALADE) DU SYSTÈME MALADE PEUT AIDER, INCITER,
OBLIGER À RÉGULER TOUT LE SYSTÈME.
Changer
un élément de l'emploi du temps, changer de place, changer de professeur,
changer de cours, changer de groupe, changer
d'équipe, changer de manuel, changer d'inspecteur, changer de fournisseur,
Un
système peut fort bien s'accommoder d'éléments malheureux, malades ou fous.
Parce que apaiser, guérir ou rendre à la raison ferait imploser ou exploser l'appareil.
Le système peut être l'École, l'équipe pédagogique,
la classe, la famille, le couple. Un enfant perturbateur peut être un alibi à
l'enseignant chez qui, de toute façon, les enfants - perturbés ou non -
deviennent perturbateurs. Nous retrouvons ici les vieux exutoires : le bouc émissaire,
la tête de Turc, l'abcès de fixation et les pièces maîtresses qui supportent
toutes les forces d'un édifice : la clé de voûte, la pierre d'achoppement, le
nœud gordien.
En
acceptant, sans contrat d'intégration préalable, au coup de cœur et en me lançant
un défi à moi-même, un
enfant myopathe presque totalement paralysé dans une classe de C.M., j'ai
provoqué chez les autres élèves
un grave trouble inavouable, donc culpabilisant, qui a conduit trois familles à
retirer ces enfants de ma classe, sans m'en donner les vraies raisons. Cette
intrusion d'un élément très dérangeant psychologiquement, sans vraie préparation, a abouti, je crois, de proche en
proche à une détérioration de mes rapports
avec des personnes-clés du lieu. J'avais moralement raison mais systémiquement
tort. Il faut savoir si l'on veut
se battre contre les moulins à vent ou réussir une entreprise pédagogique. Je
dois à la vérité de dire qu'à
cette époque, compte tenu de ma lassitude extrême, j'avais envie
inconsciemment d'échouer et de partir.
Mon
épouse, directrice d'école maternelle, me parle d'un enfant pour qui tout
changement, toute dérogation aux habitudes
provoque une crise d'angoisse. Au bout de neuf mois d'école, cet enfant est devenu
mieux qu'un perturbateur du groupe, un élément anxiogène : il est devenu un révélateur.
Son
extrême sensibilité en a fait un excellent critique (involontaire) des
spectacles et activités proposés à la classe. S'il accepte de dépasser sa
peur, c'est que le contenu émotionnel de l'activité ou du spectacle est
acceptable par tous. En matière de production vidéo, il semble que cela confère
un label de qualité.
Éduquer
(et plus généralement, vivre) suppose que les artifices, les béquilles, les
étais, les pis-aller, les paravents,
les non-dits soient identifiés, reconnus, éventuellement combattus, remplacés,
déplacés, supprimés.
C'est
ici que l'on distingue entre dire et faire. On peut proclamer que
l'enfant est au centre du système éducatif
et accepter cependant qu'il soit la première victime des dysfonctionnements du
système. On peut,
au contraire, faire que le service public d'éducation soit au service des
enfants du peuple. Cela peut
alors entraîner des sanctions et des mesures de remédiation mettant en cause
très précisément des personnes
particulièrement incompétentes, légères ou pathologiquement atteintes. Cela
ne concerne pas seulement
les enseignants de la base mais aussi les décideurs et les hauts
fonctionnaires. Quelquefois la
crise (catharsis) est nécessaire. Il convient alors de s'y résoudre ou de s'y
préparer.
13
- RECHERCHER LES POINTS SENSIBLES
Par
l'analyse et la simulation, il est possible de détecter dans un système des
points sensibles ou points d'amplification. C'est là qu'il faut agir. Bien
entendu, si vous agissez de manière uniforme sur tous les points,
vous allez déréguler complètement le système en renforçant et en amplifiant
certains phénomènes et
effets plus ou moins pervers.
On
aurait pu, en 1970, impulser les mathématiques modernes dans des secteurs
choisis. Au contraire et sans
préparation., avec la sempiternelle rengaine de la panacée et la garantie de sérieux,
le label scientifique liés à la
personnalité éminente du professeur LICHNEROWICZ
qui n'en demandait pas tant,
la réforme a été brutalement infligée à l'ensemble du système. Passé
l'effet de mode, elle a été unanimement condamnée - il existe dans ce
pays un intégrisme pédagogique qui, telle la Gorgone Méduse fait renaître à
l'envi les têtes qu'on lui a coupées - et il n'est presque rien resté de la
théorie ensembliste dans les programmes qui ont suivi. Ce qui est dommage car
on pouvait en garder des boutures très fécondes.
Les
mesures doivent être appliquées aux points sensibles et de façon différenciée.
Une mesure unique et c'est la dérégulation qui s'en suit.
Le
passage brutal d'une pédagogie traditionnelle à une pédagogie
"moderne" engendre une anxiété chez les parents d'élèves. Cette
anxiété est elle-même anxiogène pour les enfants qui dès lors vont
manifester leur
inquiétude par de l'agitation, du bruit et des comportements déviants. Ces
attitudes, connues des parents, vont accroître leur trouble et transformer une
déviance légitime en franche hostilité à l'égard d'un maître révolutionnaire".
Il s'agit là d'une boucle de rétro-action positive : l'effet est amplifié.
À
l'inverse, un travail de communication capable de rassurer les parents va entraîner
une sérénité qui va déteindre sur leur progéniture. Les enfants, confortés
à la fois par les parents et leur maître, seront plus
aptes à donner le meilleur d'eux-mêmes dans la geste éducative. Il convient
donc pour l'enseignant arrivant
dans un nouvel endroit, d'offrir immédiatement une image rassurante. Des
solutions immédiates de bon
sens. Une certaine fermeté. Ensuite, profiter de l'état de grâce qui suit
chaque nouvelle installation pour instiller
des modifications qui paraissent répondre à une évidente nécessité.
Quand une bibliothèque est couverte de poussière, ou située dans un coin sombre, quand l'atelier de peinture est à 50 mètres d'un point d'eau, quand les ordinateurs ne servent que de consoles vidéo aux enfants du concierge, quand le portique est rouillé et que les agrès sont au plus profond de l'armoire la plus discrète, quand il est évident que la décoration murale des classes remonte à une décennie, alors, on peut engager de prudentes transformations en s'appuyant sur ces points précis. Il suffit parfois de faire monter une prise électrique, de changer l'affectation d'une salle, de planifier l'usage d'un hall de sports, d'installer ailleurs la photocopieuse, d'établir un véritable inventaire pour enclencher une heureuse réaction en chaîne.
14
- RÉTABLIR LES ÉQUILIBRES PAR LA DÉCENTRALISATION.
Si
mon cerveau devait gérer au coup par coup les mouvements musculaires nécessaires
à mon déplacement en station verticale, je pourrais difficilement traverser
mon bureau en une heure. Des corrections ont
lieu d'instant en instant dans les muscles et la moelle épinière relaie le
cerveau dans la tâche mécanique mais
complexe de la marche bipède.
À
toutes les échelles : École, école, équipe, classe ou ce qui tient lieu de
classe (ce concept pourrait être éventuellement repensé...), une autonomie
doit être accordée aux différents centres de décision. Pas de pseudo-autonomie
qui, au bout du compte, consiste à jouer un peu, en trichant, mais pas à
remettre en question
la règle même du jeu. La question centrale de l'A.T.E. (aménagement du temps
de l'enfant) est
au cœur de ce qui pourrait amorcer une transformation profonde du système éducatif.
Sous-bassement
théorique : l'état de la recherche en chronobiologie.
Contraintes
incontournables : la législation concernant l'éducation religieuse, le travail
(ou le chômage) des
parents, les impératifs des transporteurs, le coût global en équipement et
fonctionnement. Aucune contrainte
n'est jamais totalement incontournable...
On
peut tenter des expériences ponctuelles. Dans le contexte habituel
d'aujourd'hui, des petits de 3 ans scolarisés
en maternelle sont réveillés à 6 h 30 du matin, placés devant la télé après
un petit déjeuner fantasmatique,
amenés à l'école à 8 h 30, repris par les services municipaux pour la
garderie-cantine de 11
h 30 à l3 h 30,
embarqués à 16 h 3 0 dans un centre de loisirs pour réintégrer leur
domicile et rencontrer un papa aléatoire
vers 19 h. Une expérience ponctuelle, après concertation des divers intéressés
(enfants compris si possible), sous contrôle des autorités administratives, médicales,
locales ne peut pas faire pis que
cette journée de travailleur de force. On connaît un peu les exigences de la
chronobiologie. La disponibilité des
enfants est optimale entre 9 h et 11 h, puis entre 15 h et 19 h. La coupure du
mercredi - en allemand : mittwoch,
jour du milieu de la semaine (remplaçant le jeudi d'antan, quand la semaine de
travail comportait 6 jours de 6 heures et 1 heure quotidienne d'étude) - était
autrefois beaucoup consacrée au plein air
ou à la rue.
Elle
est aujourd'hui télévisuelle.
Pour
décentraliser efficacement, il faut avoir préalablement désigné des
objectifs et défini un calendrier. Le
pouvoir politique indique un cap, une direction.
Un
objectif quantitatif du type " 80% d'une classe d'âge au niveau du
bac" est propre à toutes les dérives et
à toutes les avanies et avaries. Quand le diplôme est socialement dévalué,
quand le marché du travail est
saturé, une telle "ambition" apparaît comme une lubie
technocratique. En outre, cela suppose qu'un cinquième
de la population scolaire est abandonné à son sort. Ce sont précisément les
20% d'enfants débarquant
au collège sans un savoir-lire véritable (il n'est pas sûr qu'on puisse
parler là d'Illettrisme...) et
sans connaissance suffisante de la langue qui feront les frais de l'exclusion.
Attention, le mot d'ordre "socialiste"
parlait de classe d'âge et de niveau Terminale ! Ajoutons à cela un refus
global des redoublements et nous menons
effectivement 80% de la jeunesse au bac... et en bateau.
Le
pouvoir politique peut indiquer un cap, une direction. Recevables.
Et définis. Par exemple : UNE
La
culture générale scolaire est définie par les programmes. On peut vraiment
les alléger quant au catalogue. Notamment
en sciences. Aborder la géologie au C.E.2 n'est peut-être pas judicieux... On
peut ensuite rendre les instructions
plus efficientes si l'on renonce à une nomenclature de savoirs (programmes)
pour y substituer des savoir-faire et des savoir-apprendre (objectifs).
Les
notions mathématiques de base s'acquièrent à l'école primaire (maternelle +
élémentaire). Une "pédagogie"
qui aboutit à ce qu'un enfant de cours élémentaire dise, à la mi-mai :
"Je ne sais pas faire de
soustraction avec retenue" alors qu'il prend des sous dans le porte-monnaie
de sa mère est infirme et met un gouffre entre la culture scolaire et la vie.
Si des enfants pèchent encore dans l'écriture et la lecture
des nombres au C.M.l, c'est qu'on a saucissonné (avec l'alibi de la
"progression") l'ensemble des nombres naturels et qu'on a fait
apprendre une suite balbutiante de chiffres et pas un principe de numération.
Les
disciplines instrumentales supposent nécessairement une didactique conduisant
à la mise en place de savoir-faire, savoir-être, savoir-apprendre,
savoir-savoir. Les matières d'éveil ne sont justement pas des disciplines mais
des matières, de la matière, de la connaissance. Elles constituent avec le
temps le corpus
individuel de culture générale de chacun.
La
lecture, l'écriture, le calcul, la géométrie, l'observation scientifique, la
logique, le dessin documentaire, la mesure, le solfège sont les meules.
L'histoire, la géographie, la littérature, la musique, les arts en général,
les découvertes scientifiques sont le grain à moudre.
"Un
cerveau qui n 'a rien mémorisé ne peut être créatif. " (Henri
LABORIT)
Des
escrocs intellectuels prétendent que c'est à l'enfant de construire lui-même
son savoir. Ceci est une imposture. Dangereuse. Car elle nie l'essence même de
la transmission des connaissances (instruction) et
de la transmission des valeurs (éducation) d'une génération à une autre.
Une
classe sans dictionnaires, sans atlaS, sans mémentoS, sans maquettes,
sans planS, sans machineS à écrire, sans
coin-lecture, sans matériel de sport, sans pots de gouache ou craies pastel, sans
œuvreS d'art, sans musiqueS, sans organe(s) d'information devrait entraîner
des sanctions pour le directeur, le maître, les délégués de parents et en général
tous les membres du conseil d'école
!
De
nombreuses classes sont dépourvues de dictionnaires mais le maître consacre
beaucoup de temps à la règle orthographique : quatre-vingts/quatre-vingt
trois, deux cents/deux cent trois, alors qu'il existe à
cet égard des tolérances grammaticales et orthographiques datant de 1901, puis
1976 !
Si
l'on prend le contenu d'un ouvrage malheureusement non ré-édité par Hachette
; LE LIVRE COMPAGNON qui faisait une bonne
synthèse des disciplines instrumentales et des disciplines dites d'éveil
(cette terminologie abandonnée officiellement était excellente), si l'on
ajoute dans le Secondaire les rudiments du latin (dont notre langue et quelques
autres en Europe sont issues!), une langue vivante et un véritable
enseignement de la communication et de l'information, on aboutit à un corpus de
connaissances tout à fait respectable en
fin de Troisième. Si, en outre, les interactions entre disciplines et
matières sont appréhendées par tous les élèves au sortir du Collège, si
les élèves ont acquis des habitudes et des
comportements sociaux dignes d'êtres civilisés par une éducation (et une
instruction) civique et morale au
jour le jour, pratique, active, alors l'école peut estimer n'avoir pas perdu
son temps.
Le
pouvoir politique indique une direction, un cap. Aux
établissements, localement, en fonction des réalités
spécifiques, de choisir leur cheminement, leur stratégie et leur tactique éducative,
avec le maximum d'autonomie.
Une
administration tatillonne, brouillonne, mesquine, méprisante a désamorcé les
enthousiasmes, ruiné la
santé des novateurs, anéanti les élans des mouvements pédagogiques, stérilisé
les recherches de terrain. Quand il existe encore, ça et là, quelque velléité
d'initiative, chaque "fonctionnaire", à son niveau,
prévient des dangers et des risques et ouvre immédiatement un énorme
parapluie. Aux questions embarrassantes,
les inspecteurs évitent de répondre par écrit ou, s'ils le font, c'est généralement
dans une formulation si bureaucratiquement
neutre qu'il est impossible d'y pressentir un encouragement vrai, une
mise en garde clairement justifiée. Le mot d'ordre hautement mobilisateur est :
"Attention ! Pas de
Par ailleurs, la langue (et la pensée !) de bois n'empêche pas la pérennisation de situations pourrissantes. Des établissements, des relations, des structures se dégradent physiquement et moralement sous un rideau de fallacieuse fumée. Il est loin le temps où des inspecteurs d'académie se déplaçaient dans des écoles de campagne pour défendre, devant des parents inquiets ou tout simplement fielleux, la pédagogie active et généreuse d'une institutrice ou d'un instituteur militant de l'École Moderne... Cette veulerie à peu près générale a d'ores et déjà perdu le Grand service public national d'éducation dont il fut question en 1981...
15
- SAVOIR MAINTENIR LES CONTRAINTES
La
réalité de la geste éducative est infiniment complexe. La tentation est alors
grande, à quelque niveau qu'on
se situe, d'en oublier certains aspects, d'en négliger des pans entiers, d'en
privilégier les thèmes porteurs.
De
la fin de la Seconde guerre mondiale jusqu'aux années soixante, la France s'est
encore offert le luxe paisible et paradoxal de faire vivre une École républicaine
à la mode traditionnelle et d'essence rurale : discipline
adoucie par les classes de neige et la distribution de lait aux enfants du
baby-boom, blouse grise et compendium métrique, dernières classes de
Fin d'études primaires, morale et calligraphie alors qu'apparaissent les
premiers chewing-gum et stylos à bille.
Mai
68 a remis en question une institution qui semblait n' avoir pas tenu compte des
leçons de la Guerre ni
de l'effondrement de l'empire colonial. Pourtant l'œuvre de démocratisation
(au moins quantitative) était entreprise.
L'histoire
événementielle est alors mise à mal et remplacée par une Nouvelle Histoire plus sociologique, plus
ancrée dans les mœurs et la quotidienneté, plus axée sur les traces locales,
ponctuelles ou massives d'un
passé qu'on exhume sans - scolairement - le dater vraiment Pour les enfants, la
borne milliaire, l'église
Renaissance rapetassée de briques industrielles et les tickets d'alimentation
de l'Occupation appartiennent
à un passé uniforme, sans stratifications ni relief. Du coup, comme toujours,
on jette le bébé
avec l'eau du bain et on évacue les références chronologiques si bien que,
lorsque CHEVÈNEMENT revient à une sorte d'intégrisme pédagogique : lire, écrire,
compter et recevoir les bases de la culture républicaine, on enterre l'histoire
locale, l'histoire civilisationnelle au profit d'un symbolique; MARIGNAN,
1515...
Or,
ce qui chaque fois échappe aux révolutions en chambre que sont les successives
réformes et réformettes,
c'est la complexité d'une Histoire dans laquelle s'enchevêtrent, se renforcent
ou s'annulent événements apparemment
anodins et tendances lourdes, mutations économiques et hasards individuels, coups
de force du destin et entêtements portant des fruits tardifs mais succulents.
Ainsi, ledit de Villers-Cotterêts de
1539 qui donne au francien (pour aller vite...) statut de langue royale et
administrative est-il beaucoup plus
important pour le devenir de la culture française que la victoire incertaine de
FRANÇOIS 1er sur les Suisses. Qui
sait, chez les instituteurs ou professeurs d'école, que la réforme grégorienne
a été instaurée en France en 1582
et qu'on est passé du jour au lendemain du 4 au 15 Octobre ? Cela explique évidemment
que la Révolution d'Octobre 1917 soit (encore ?) fêtée en Novembre, les
Russes n'ayant abandonné le calendrier julien que fort tardivement.
On
m'opposera que les chères têtes blondes (quelque peu africanisées par le métissage)
ne sont pas aptes à
entendre ces subtilités. Jusqu'au C.E.2, il est vrai que l'Histoire doit
prendre volontiers l'apparence d'une
suite de contes. Mais les contes ont des décors et un tempo, les personnages
n'y sont pas taillés d'une pièce. Ensuite, les enfants et les adolescents sont
tout à fait capables de saisir les déterminismes et
les accidents, les longs enracinements et les fulgurances qui précipitent
hommes, peuples, civilisations dans
la tourmente du Temps. Les idées sur l'Histoire sont rarement claires. Qui,
spontanément, placerait la naissance du capitalisme moderne à la fin du XVième
siècle? On n'imagine aisément que GALILÉE était
victime d'une inquisition médiévale. Or il meurt en 1642, c'est-à-dire au XVIIième
siècle. On utilise
pour la première fois le signe = en 1557 et FALLOPE met au point un préservatif
en tissu en 1564. Le crayon
apparaît en 1565 et quatre ans plus tard, MERCATOR réalise la première
projection plane du globe terrestre, à la
demande de CHARLES-QUINT, soit soixante quatre ans avant l'abjuration de
GALILÉE (1633) ! Et il faudra attendre 1993 pour que l'Église catholique
reconnaisse l'injustice commise
envers le savant italien...
Il
est donc clair que l'enseignement de l'Histoire ne peut faire l'économie ni de
l'événementiel ni du civilisationnel.
Et, du reste, toutes les matières doivent être enseignées.
Il
est déraisonnable de dissocier instruction et éducation. Ceux que MILNER a
nommés plaisamment les réformateurs pieux
(héritiers de FREINET, des mouvements pédagogiques et de la mouvance soixante-huitarde)
ont volontiers mis en exergue l'éducation, la morale, la sociabilisation, les
relations groupales, l'autonomie, l'auto- et
le co-apprentissage : il faut apprendre à apprendre et partager les savoirs.
Notons qu'ils ont aussi créé les outils programmés pour les apprentissages
individuels. Quand fat sifflée la fin de la
récréation de 68, quand on entra dans la décennie qui, au lieu de changer la
vie allait déboucher sur les golden boys, les délits d'initiés et l'affaire
du sang contaminé, les trotskistes défendirent
une position plus "confortable" : "L'École n 'a pas à éduquer.
Cette vocation revient aux familles. L'école doit se contenter
d'instruire, de communiquer des savoirs. "
Dès
lors, commença l'ère peu glorieuse de certains enseignants transformés en
distributeurs de photocopies.
Cependant,
les journées d'enseignement ne comptent que six heures. La télévision, en état
actuel des choses, n'est plus une "école parallèle". Non seulement
la télévision (celle que regarde la majorité des enfants, dès 7 heures du
matin), n'instruit plus, mais de surcroît, elle déséduque. Entendons-nous
bien, elle peut être utile si, rendue à sa vocation de service public, la
télé s'interdit le nivellement par le bas. Il
est probable qu'on mesurera bientôt la nocivité d'un martèlement médiatique
dès le plus jeune âge. N'insistons
pas sur les modèles "culturels", relationnels, amoureux, sexuels,
sociaux qui conduisent des enfants de 10 ans
à insulter des gens de couleur, à ne penser qu'au sexe dans sa plus grande
vulgarité, à se tabasser avec la
constance des crétins bondissants des arts martiaux, à pratiquer l'ostracisme,
l'exclusion, le bizutage sournois, le
sexisme le plus honteux.
L'expérience
montre que les zones rurales, plus conservatrices, plus structurées
socialement, économiquement, sinon démographiquement
sont relativement à l'abri de ce type de comportements anti-sociaux. Les
zones rurales sont des lieux où l'on subit encore les rigueurs et chaleurs des
saisons, où la vie de la population s'inscrit dans des rythmes, dans des rites, dans
des retrouvailles, dans une sorte de religion, de reliance qui permettent au
tissu social de ne point trop partir en morceaux.
Sans doute est-ce dans les valeurs sûres de la ruralité que l'École en proie à la convulsion peut trouver des remèdes ?
16
- DIFFÉRENCIER POUR MIEUX INTÉGRER
On
retrouve ici, sous une autre forme, le troisième principe issu de la
thermodynamique, concernant la différence
de potentiel. L'union à contrecœur, qui dépersonnalise, la volonté
unificatrice de ne plus voir
qu 'une seule tête, le goût du lisse et de l'homogène marquent la monotonie
entropique.
Cependant
trop de diversité nuit et conduit à l'explosion. Trop d'uniformité mène à
l'ennui et à l'impuissance. La créativité naît d'une combinaison dynamique
de cohésion et de différence, de cohérence
et de diversification.
L'émergence
d'un nouveau système complexe d'éducation ne peut se réaliser sans une
double exigence antagoniste. D'une part, l'État-nation
doit définir les grands objectifs éducatifs, assurer aux personnels
d'éducation un statut et un traitement de base convenables. L'État doit jouer
en outre un rôle d'arbitre et de régulateur.
D'autre part, les collectivités locales : régions, départements, districts,
villes, communautés urbaines ou
rurales doivent pouvoir répondre aux questions éducationnelles, spécifiques que
posent leur propre histoire, leur profil sociologique, les contraintes et les
atouts de leur économie.
Que
l'État exige que la langue nationale soit celle de la République et donc la
langue de l'administration est
légitime. Ce qui l'est moins, c'est que soient oubliés les langues et
dialectes régionaux. Mais il devrait être
possible à chaque région d'organiser la conservation, l'enseignement et la
promotion de son patrimoine linguistique,
littéraire et plus généralement culturel.
On
ne peut pas parler d'intégration sans faire référence à deux problèmes
importants. Intégrer, c'est assimiler
tout en respectant la différence, le handicap et l'étranger. Les intégrations
sont ici de natures très
différentes. Les handicaps sont divers. Certains peuvent être réduits,
d'autres non. Les uns évoluent vers
la guérison, les autres vers une dégradation croissante. Certains permettent
une intégration facile, d'autres rencontrent de graves obstacles pratiques
et/ou psychologiques. Les difficultés matérielles se résolvent
par des solutions techniques, souvent de simple bon sens, quelquefois sophistiquées
mais qui ne
sont jamais d'un coût exorbitant. Les vrais obstacles sont psychologiques. Leur
résolution passe par un profond
travail de sensibilisation et de confrontation dans l'action. Un inspecteur, un
maire, un délégué syndical, un médecin
de famille doivent se colleter très concrètement à la réalité dérangeante d'un
handicap lourd que ne subissent réellement que les enfants et les enseignants
sur le terrain. Pour comprendre, et pour apprendre. Pour être en mesure
ensuite d'établir un véritable projet-contrat d'intégration.
Certains
étrangers sont plus étranges, ici et maintenant, que d'autres. Nous avons avec
les uns un lourd contentieux.
Nous savons, avec d'autres, oublier les vieilles détestations. Certains étrangers
se coulent dans
le modèle du pays d'accueil, quitte à conserver discrètement des coutumes
ancestrales par ailleurs recevables
par le droit et les mœurs d'ici. D'autres migrants font au contraire preuve
d'une ostentation qui ne peut que provoquer le malaise, l'hostilité et la haine
des indigènes.
La
laïcité, les Droits de l'Homme, le code civil sont les garants d'une intégration
réussie qui ne gomme ni
n'exalte les différences. Mais cela ne suffit pas. Des français modérément
catholiques s'indignent chaque année des sacrifices rituels de la fête
musulmane du mouton. Qui expliquera aux uns et aux autres
que christianisme et islam sont issus de la même tradition judaïque et
qu'Abraham et Ibrahim ne sont
qu'une seule et même personne, comme Marie et Myriam, Jésus et Issa, considéré
par les musulmans comme un très grand prophète,
voire comme le Maadi ? Qui expliquera que le ramadan est un
jeûne purificateur semblable à notre carême d'antan ? Qui dira que sunnisme
et chiisme sont deux islams parfois antagonistes, comme le sont encore
catholicisme et protestantisme ? Notre société vit dans
un flot ininterrompu d'images et de mots qui la saoulent mais ne l'éduquent
pas...
Ouvrons
le cahier d'une écolière pied-noir qui avait sept ans peu de temps avant l'Indépendance
de l'Algérie.
Cela commence par une leçon de choses sur l'automne. Avec un tampon encreur, la
maîtresse a déposé sur la page blanche le dessin d'un laboureur (normand,
picard, berrichon, francilien, beauceron
Le mépris des autochtones colonisés était là, inconscient, quotidien, énorme, béant de supériorité satisfaite, dans cette négation absolue de la réalité vivante d'un peuple et de sa culture. Ce devrait être le rôle de l'école que d'expliquer le monde, l'unité anthropologique et l'extrême diversité des cultures, la permanence de certains mythes et la pluralité des pratiques sociales. Mais les médias possèdent une autre puissance. Or ceux-ci exploitent confusément les manifestations de racisme (réciproque) sans jamais tenter d'éclairer les faits par un travail de pédagogie sociale et historique. Et pendant qu'une gauche démagogue quand elle n'est pas défaite fait preuve d'un angélisme veule, la droite développe les arguments les plus mensongers et désinforme à longueur de discours.
17
- ACCEPTER ET DÉPASSER LES CRISES POUR ÉVOLUER.
Le
vivant cherche à se préserver en l'état, c'est ce qu'on nomme "instinct
de conservation". Un système homéostatique
est naturellement conservateur. Il n'évolue que contraint par des agresseurs
internes ou externes. Il ne se transforme que dans l'urgence et la catastrophe.
Or,
les mutins mutants existent ici et là. Les germes du changement, les théoriciens
de la contestation, les
expérimentateurs d'utopie existent, produits d'ailleurs, à dose homéopathique
quand tout va bien, massivement
quand tout va mal, par le système lui-même. Les éléments porteurs de
crise(s) surgissent généralement là où
on ne les attendait pas. On pensait voir se lever des guerriers de l'ombre et ce
sont des pétroleuses qui revendiquent le droit de vote. On espérait une
revendication catégorielle et salariale et ce sont les étudiants qui rejettent
le consumérisme et exigent le droit de jouir sans entraves...
Le
système éducatif est en crise. Il n'évoluera que dans le traumatisme et la
douleur si l'on continue de piller les grands éducateurs, théoriciens et
surtout praticiens, en ne gardant de leur oeuvre que l'écume de
l'apparence et en en rejetant la profonde essence subversive.
Les
fichiers auto-correctifs de FREINET étaient pour lui une concession à la
scolastique. Ce qui le passionnait
vraiment c'était la naissance d'une véritable éducation prolétarienne. Les
épigones ont fait du
mercantilisme avec les outils programmés de la Coopérative de l'Enseignement
laïc et enterré définitivement
l'Éducateur prolétarien. La revue Art Enfantin a été débaptisée et remplacée
par Créations.
Dans
LE MACROSCOPE, Joël de ROSNAY oppose l'organisation-cristal, statique, fermée,
redondante,
qui s'effondre lorsque l'environnement varie, à l'organisation-cellule
dynamique, ouverte, reposant sur
la variété et le renouvellement de ses éléments.
"L'organisation-cellule
(...) ne craint pas une désorganisation passagère, condition d'une réadaptation
plus
efficace. Admettre ce risque transitoire, c 'est accepter et vouloir le
changement. Car il n'y a pas de
changement sans risque. "
Les décideurs oublient toujours que la marge fait aussi partie de la page...
18
- PRÉFÉRER LES OBJECTIFS À LA PROGRAMMATION POINTILLEUSE.
Quand
on lit les textes organiques de l'Instruction publique, aujourd'hui plus que
centenaire, on est frappé
de leur concision, de leur ambition et de leur humilité. Alors les Écoles
normales d'instituteurs dispensaient
à chacun un viatique de savoirs et de savoir-faire simples et éprouvés. Les
professeurs connaissaient
la tâche qui attendait les élèves-maîtres. Ils étaient justes, fermes,
rigoureux. Ils ne doutaient pas
de la légitimité de leur foi. Le progrès social dépendait du progrès
intellectuel. Un peuple délivré de
l'ignorance devait nécessairement s'émanciper. Nous sommes là dans la
mythologie de "La Gloire de mon père".
Et comme dans toute mythologie, l'essentiel est (presque) vrai. La III ième République
a donné à l'école primaire trois séries d'Instructions et programmes. Au
moment des lois instituant l'École républicaine d'abord, de 1885 à
1889, puis après la Grande Guerre, en 1923, enfin en 1938. II s'agit de ré-ajustements.
On re-précise aux maîtres la nécessité d'ancrer leur pédagogie dans le réel,
la manipulation plutôt que dans l'approche livresque : "Ce n 'est pas
le maître qui détient la vérité, c'est la chose..."
Les
Textes de 1945 ne se démarquent pas véritablement des I.O. antérieures. La
France de l'après-guerre retrouve
ses marques, mais aussi la volonté farouche de mettre en oeuvre les principes
du Conseil national de la
Résistance. Cela ne durera pas. La Vième République entame une oeuvre de démocratisation
scolaire, répondant du reste à
la formidable demande démographique. C'est avec les années 60 que les
certitudes tranquilles vont voler en éclat. Mais, il est difficile pour
n'importe quel pouvoir, de renoncer à
l'illusion de la totale maîtrise des choses. On va donc voir un Bulletin
Officiel de l'Éducation nationale s'enfler
et devenir un véritable monument illustrant la boursouflure technocratique.
Dans la masse grisâtre d'une prose
administrative de plus en plus ampoulée, votre oeil est attiré par des mots
incongrus dans pareil voisinage : "Salopes perverses",
"Les suceuses", " Analement vôtre", etc... Il s'agit, dans
les années 70, de la liste des films interdits au moins de 18 ans que le
B.O.E.N. publie, impassible.
Avec
la Vième République, les ministres de l'Éducation nationale vont s'acharner
à doter le système éducatif
de réformes, instructions et programmes en rafales. Certains recteurs
deviennent des personnages médiatiques.
L'École et les écoles deviennent l'enjeu d'affrontements politiques ou
pseudo-intellectuels extrêmement
passionnés. Certes, il fallait adapter le système éducatif aux mutations de
la
En
trente ans, j'ai assisté plusieurs fois au même scénario. Élaboration plus
ou moins paritaire de programmes
et instructions. Diffusion et commentaires donc interprétation par les
inspecteurs d'une part
et les médias d'autre part, sortie précipitée de manuels et matériels
divers, mise en exergue de quelques
points de la réforme au détriment de tout le reste. Effet amplificateur dû à
la masse. Désarroi des
maîtres. Colère des parents. Temps perdu pour les enfants. Correction de la réforme
par une contre-réforme aussi
peu nuancée que possible.
Disons-le,
les administratifs, les soi-disant chercheurs, les prétendus experts ont eu
chaque fois la prétention
de "penser" la réforme en lieu et place des travailleurs de terrain.
Les objectifs sont globalement connus des enseignants. On peut certes dériver. C'est pourquoi il est utile de rappeler régulièrement et avec des définitions claires pour tout le monde, quel est le but poursuivi, le temps imparti, les moyens dont on dispose, la déontologie générale. Après quoi, à chacun, seul, en groupe, en équipe, en réseau, selon son tempo, son tempérament, ses aptitudes, ses inclinations, son imagination, sa créativité de définir une stratégie, une panoplie tactique, de travailler à l'œuvre commune.
POUR ACCÉDER AUX TEXTES FONDATEURS
19
- SAVOIR UTILISER L'INFORMATION.
Le
mot information est riche de sens. In-former, c'est littéralement mettre en
forme, donner une forme, donc ordonner, organiser, créer de la néguentropie.
Les
pigments colorés sont issus de minéraux, de végétaux ou de produits animaux.
Une première mise en forme consiste à les
extraire, les rendre purs ou à les synthétiser et à les conditionner en tubes
ou en pots. C'est le travail du chimiste et du négociant.
La
seconde mise en forme concerne le peintre. Sur sa palette ou dans des godets, il
va mélanger les couleurs,
y introduire des liants, des vernis. Puis il va juxtaposer ou superposer les
couches de peinture et créer une représentation
à deux dimensions, sur un support plus ou moins vierge. L'œuvre d'art est née.
Cette
oeuvre peut avoir un destin qui peut dépasser la vie même du peintre. Elle
peut devenir une référence
dans l'histoire de l'art, un objet de thèses, un placement financier, le pré-texte
à de nouvelles créations,
en littérature, théâtre ou cinéma. A ce troisième niveau d'information, qui
sait encore d'où proviennent
l'ocre, les sels de plomb ou de cadmium, la céruse ou le lapis-lazuli qui ont
contribué à sa première élaboration
?
En
systémique, l'information, c'est l'énergie de commande. L'énergie de
puissance, c'est le fioul ou le gaz
ou le charbon delà chaudière. L'énergie de commande, c'est la petite quantité
d'électricité nécessaire au fonctionnement du thermostat qui régule lui-même
le fonctionnement de la chaudière.
Dans
un système social, on l'a vu, il est nécessaire de disposer de boucles de rétroaction
négative afin d'éviter les effets pervers,
L'information
dans l'acception la plus commune, est essentiellement descendante dans les systèmes
sociaux. Elle n'a
jamais été aussi massive qu'aujourd'hui. On ignore si ce phénomène
connaîtra une croissance illimitée
ou s'il subira une décélération. L'information de masse peut être largement manipulée,
dénaturée, amplifiée, minorée, étouffée. L'information qui remonte des
citoyens vers les centres de décision
est quantitativement dérisoire, souvent qualitativement illusoire : pseudo
forums, débats sur un plateau de télé ou autour d'un micro, reality-shows
mettant en scène des citoyens lambda.
Recevoir
de la bouillie informationnelle est relativement peu coûteux. En revanche être
informé aux sources et être soi-même producteur ou relais d'information est
difficile en raison du coût global. La division
de la société ne se situe pas seulement dans un clivage riches/pauvres mais
aussi dans une opposition entre
sur-informés et sous-informés.
Les
citoyens et, en l'occurrence, les acteurs de l'éducation ont politiquement intérêt
à diffuser transversalement,
horizontalement leurs informations afin de court-circuiter les réseaux
verticaux et donc fatalement réducteurs,
simplificateurs, ou carrément mensongers. Une politique éducative qui ne
sacrifie pas une fraction importante de la population passe non plus par une
appropriation collective des moyens de production mais par une
appropriation collective des moyens d'information.
Cela
signifie concrètement qu'il convient d'exiger pour les établissements
d'enseignement le droit à une
information de qualité quasiment gratuite.
Cela signifie concrètement que chaque unité d'enseignement ne doit pas simplement consommer de l'information mais surtout en produire, en créer. Il ne s'agit pas de régurgiter - mal - une sous-information obtenue par la cruelle mauvaise digestion de l'information descendante, mais bel et bien de créer, inventer une information inédite à partir de tous les matériaux disponibles.
20
- RESPECTER LES TEMPS DE RÉPONSE ET DONC D'ADAPTATION
Chaque
système a un temps de réponse spécifique.
On
sait qu'il est vain, en éducation, d'attendre des vendanges tardives à l'heure
des moissons précoces. Mais il ne s'agit pas d'oublier de semer au bon moment.
Dans
le chapitre sur la DISCIPLINE j'ai déjà à évoqué le respect d'un calendrier
annuel qui tienne compte des réalités saisonnières, chronobiologiques,
festives et culturelles de notre année civile et de notre année scolaire.
Des recherches sérieuses devraient être réalisées dans ce sens.
Les
maîtresses de maternelle savent cela et intègrent dans leur démarche pédagogique
(didactique et éducative)
les grands moments de la journée : accueil, passage aux toilettes, l'heure du
conte, le moment des
ateliers, la distribution du lait et des gâteaux et la fameuse heure des mamans
; de la semaine ; de l'année,
avec les événements cycliques naturels mais aussi culturels et hautement
symboliques et donc structurant
la pensée de l'enfant. L'automne, la Toussaint, la fête de la Victoire,
Saint-Nicolas et Sainte Catherine, Noël, le
jour de l'An, l'Épiphanie, le Mardi Gras et Carnaval, le poisson d'Avril, les
Rameaux, Pâques, le 1er Mai et le 8 Mai, la fête des Mères et celle des Pères,
le jeudi de l'Ascension, la Pentecôte,
ces fêtes civiles et religieuses ponctuent le rythme de Tannée et lui donnent
cohérence interne, externe et références
historiques ou mythologiques.
Il
n'est évidemment pas question d'oublier les grands moments de l'islam ou du
judaïsme pour les communautés
concernées. Il est très important en outre d'expliquer, de clarifier la
fonction hautement socialisante
de ces fêtes et manifestations aux uns et aux autres afin de réduire les
fantasmes d'exclusion en
montrant tout à la fois les différences complémentaires qui singularisent et
identifient et les similitudes qui marquent
l'unité anthropologique.
Certains
résultats sont obtenus immédiatement, d'autres requièrent des délais plus
longs.
Dans
le cadre de la constitution d'une équipe de travail composée, selon les barèmes
actuellement en vigueur,
d'éléments venant de différents horizons et d'expériences diverses, il faut
dire que les grandes orientations ne peuvent se réaliser que si l'équipe a
acquis une certaine cohésion après les vacances de la Toussaint. Cela signifie
que le directeur doit avoir pris en compte auparavant et depuis la rentrée de Septembre
la résolution de problèmes souvent très anodins, très pratiques et concrets
mais aussi très symboliques.
Du
remplacement de la photocopieuse de telle école dépendent les relations
futures avec la municipalité. La quantité nécessaire et suffisante de papier
hygiénique dans les toilettes signe la bonne ou la mauvaise volonté
des agents de service. Des maîtres trop souvent dérangés dans leur classe par
un directeur se croyant
en terrain conquis auront tendance à rejeter une autorité jugée
contraignante.
Tout
cela se juge, se jauge et s'inscrit durablement dès les premiers contacts.
Il
faut savoir apprécier, deviner, sentir, de manière très intuitive, les
instants favorables à certaines paroles,
à certaines actions. Il s'agit de savoir observer, voir dans une grimace
fugitive le refus profond que
dément apparemment l'assentiment de convenance, entendre derrière le discours
"professionnel" d'un
collègue affleurer les difficultés personnelles de la vie privée et à
l'inverse, saisir au-delà du masque de
prétendus problèmes familiaux le rejet d'une politique de l'école imposée
avec trop d'impatience.
Ces
remarques valent évidemment au sein du groupe-classe. Il existe à cet égard
des ouvrages sur la dynamique de groupe, la pédagogie interactive... Ne pas les
connaître est une erreur. Les prendre au pied
de la lettre peut conduire à des déconvenues. Le leader d'opposition n'est pas
que cela. Le contestataire voudrait bien
aussi se faire aimer. Derrière la simple apparence du soumis obéissant se cache
parfois un dangereux forban.
Il
faut aussi laisser entrer en nous, comme le disait Félix PÉCAUT, le plus
possible de simple humanité. Car l'humanité est le gage de la complexité...
Il
faut savoir se laisser porter parfois par l'intuition, feeling,
l'empathie.
C'est
parce que l'École, l'école, la classe, les êtres ne sont pas des machines
qu'il convient de déterminer par
l'observation attentive et créative ce que sont leurs rythmes, leurs points
forts, leurs allergies, leurs latences
riches de promesses et leurs patiences où germent de saintes colères.
Contrairement aux machines qui sont
insensibles à l'observation, les systèmes vivants réagissent à l'acuité de l'œil
qui les scrute et s'en trouvent immédiatement
modifiés. L'observateur, vivant lui aussi, ne reste pas neutre dans l'acte
d'observer. Ce qu'il observe le transforme à son tour. Aucune observation ne préserve
la virginité des protagonistes. Si
j'observe à mon insu, je deviens autre. Littéralement, mon voyeurisme m'aliène
et j'ai donc sur l'être observé un
jugement qui ne peut être objectif.
Ainsi,
les procédures d'évaluation du Système éducatif, aujourd'hui, sont-elles
ressenties souvent comme les mesures inquisitoriales d'un système
politico-administratif-médiatique dont la vocation essentielle serait d'humilier le corps enseignant. En retour, les
enseignants, s'ils continuent de s'investir fortement dans leurs relations quotidiennes avec les enfants, se rétractent
complètement face à tout ce qui
ressemble de près ou de loin à l'administration. Ils éprouvent vis à vis des
médias une méfiance mêlée de
fascination. Le monde parental est à la fois craint, méprisé, quelque fois nié.
Chacun s'enferme dans un rôle d'autant plus rigide qu'il est défini par
un certain nombre de règles corporatistes qui s'opposent évidemment à la
souplesse, à la nécessaire réconciliation, au compromis, au dialogue dépassionné.
L'administration ignore les réalités complexes du terrain et prétend les
faire entrer de force dans les carcans
d'une jurisprudence régulièrement infirmée. Les enseignants se voilent la
face sur la difficulté de la gestion
d'un énorme appareil et les situations catastrophiques de familles en
perdition, les parents exigent des résultats scolaires qu'ils jugeraient
déraisonnables s'il s'agissait de courses hippiques.
Il
aura fallu, au ministère d'Alain
SAVARY, trois années pour lancer trois consultations
nationales sur le
Collège (Rapport LEGRAND), l'École primaire
(Rapport FAVRET) et le Lycée
(Rapport
PROST). Tous les
partenaires de l'acte éducatif ont eu alors l'occasion de s'exprimer dans un
climat d'abord passionné puis, en définitive,
dans un esprit de conciliation. C'est qu'il fallait dégager des solutions satisfaisantes
pour tous.
Deux
décennies se écoulées depuis ces événements...
Respecter
les temps de réponse ne signifie pas non plus renoncer à obtenir des réponses
ou faire impavidement confiance au temps qui
passe...
_____________
DES RYTHMES BIOLOGIQUES A LA CHRONOBIOLOGIE par Alain Reinberg - Gauthiers-Cillars - 1974
Instituteur autodidacte, j'ai lu cet ouvrage à sa parution. Parler de chronobiologie à cette époque, en conférence biologique, vous valait quelques souvenirs condescendants. Dans les années 80 et 90, les prosélytes de l'aménagement du temps de l'enfant se gargarisent d'une chronobiologie dont il faut convaincre prioritairement les transporteurs, les marchands de vacances de beige, etc. Depuis, la messe est dite. Des départements entiers ont choisi la semaine de quatre jours : week-ends commerciaux obligent, le poids de la journée scolaire et celui du cartable d'écolier sont toujours aussi scandaleux... L'enfant est toujours au centre des discours. Rarement dans les décisions... Dans une vingtaine d'années, sans doute, nous parlera-t-on de "pédagogie fractale"...
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Les spectateurs du grand jeu de construction sont des retraités. Autrefois, comme moi, ils contemplaient les rouleaux compresseurs, les batteuses dans les fermes, les bulldozers de la
reconstruction, les grues à crapaud qui chargeaient les betteraves, l'installation annuelle des forains. La machine avait encore cette magie rendue par l'art ironique de TINGUELY. |
DIDACTIQUE LE BÉBÉ ET L'EAU DU BAIN
L'introduction des matières dites d'éveil en 1972 avait abouti au non-enseignement de l'histoire, de la géographie et des sciences naturelles classiques. Il y eut des réactions des historiens et du public répercutées par les médias. Les matières et les programmes ont été repensés. En 1984, des textes sur l'histoire et la géographie sont parus, réalisant une synthèse intelligente des diverses aspirations. Ces textes ont été malheureusement abrogés par CHEVÈNEMENT.
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