POUR L'ECOLE

100 PRINCIPES POUR L'ÉCOLE - Plan

GENÈSE D'UN LIVRE - Ré-écriture d'un entretien avec Edgar Morin - LE CANTIQUE DES CANDIDES  - 

PRINCIPES ISSUS DE LA THERMODYNAMIQUE PRINCIPES ISSUS DE LA BIOLOGIE - PRINCIPES ISSUS DE LA SYSTÉMIQUE

PRINCIPES ISSUS DE LA NEUROBIOLOGIE - NÉCESSAIRE ÉMERGENCE DE NOUVELLES VALEURS PRINCIPES PÉDAGOGIQUES

PRINCIPES ISSUS DES CONSULTATIONS NATIONALES - DE L'AMOUR

 

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 Genèse d'un livre :

Ré-écriture d'un entretien avec Edgar Morin

 

            

 

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Michel DEBRAY - II aurait fallu que nous trouvions une articulation entre ce que tu as écrit dans SCIENCE AVEC CONSCIENCE et la pratique quotidienne de notre travail d’éducateurs, avec nos propres déterminismes, ceux de nos enfants, le poids historique et social de l’institution, etc. La pensée complexe conduit à une autre façon d’agir, une autre façon d’être.

Nous ne pouvons cependant pas éluder toutes les questions qui font la crise de l’enseignement dans laquelle nous sommes plongés. Cette crise, à bien des égards, est fondée. Je veux dire... qu’elle est légitime. Nous n’avons pas échappé nous-mêmes à nos contradictions propres. Contradictions intimes d’une part et contradictions/confrontations avec les autres d’autre part. Lorsque nous avons tenté d’écrire à plusieurs un bilan de nos aventures éducatives, il n’y a pas eu totale unanimité. Parce que chacun projette sur l’école et l’éducation en général ses propres préoccupations, son propre destin, ses propres visions réelles ou fantasmatiques.

Et puis, la crise de l’enseignement repose aussi sur du vent, des mirages, des illusions - à la fois rêves et cauchemars. Il existe toute une mythologie qui s’est ancrée sur l’action éducative parce que celle-ci est fortement marquée psychologiquement. Le contact avec l’enfance, au quotidien, renvoie à sa propre enfance, donc au Temps qui passe et à l’idée de sa propre finitude. Cela peut être plus ou moins refoulé ou conscient.

Comment pouvions-nous échapper à la tentation/tentative d’élucider d’abord ce vécu-là ? C’était pour nous un préalable à toute démarche purement... didactique.

Pour ce qui est de la crise de la connaissance, Rémy BOBICHON me disait en 1983 qu’à l’Université de Caen, certains professeurs en Sciences de l’Éducation en étaient encore au discours de Claude BERNARD.

En comparant les dates d’apparition récente (des années 40 aux années 60) de la systémique, de la cybernétique ou de la théorie de l’information et celles marquant les travaux importants de psychopédagogie, on peut mesurer le retard pris par les sciences de l’éducation. Les grands noms de la psychopédagogie et des grands praticiens novateurs sont ceux d’hommes nés à la fin du siècle dernier...

Compte-tenu de l’inertie et de la dérive de l’Institution, on peut prendre la mesure de l’écart séparant le corps enseignant du monde de la recherche !

Edgar MORIN - Vous êtes partis d’un point de vue intéressant que je qualifierai de réflexivo-critique. Mon point de vue apparemment naïf consistait à envisager un manuel pour l’enseignement primaire, à l’usage des enseignants et des enseignés bien sûr, puisque ce sont les mêmes : qui est enseignant est enseigné et inversement.

L’idée était de partir des programmes. Prenons un exemple : le calcul. Il me paraît intéressant de montrer comment le calcul formalisé est arrivé dans la civilisation.

M.D. - C’est une enquête que nous avons réalisée en classe, à la suite d’autres recherches sur le codage-décodage et l’écriture avec mes gamins en Février 83. Avec l’aide de L’HISTOIRE UNIVERSELLE DES CHIFFRES de Georges IFRAH. Un compte-rendu est passé dans notre journal scolaire.

E.M. - Oui. Montrer qu’en réalité la computation est un phénomène biologique. Faire apparaître la computation sur son arrière fond biologique général. Par exemple, le lion sait bien qu’il y a 5 ou 6 gazelles. Mais il ne sait pas qu’il calcule. Il faut montrer comment notre calcul chiffré est, lui, une conquête de notre civilisation. Tu peux prendre n’importe quel point de départ. Prenons la poule. La poule n’est pas un objet en soi. La poule n’existe que par rapport aux autres poules du poulailler qui est une société, un milieu d’observation éthologique des phénomènes de dominance, de hiérarchie, etc...

Donc, tous ces problèmes soulevés par les sciences nouvelles et en devenir sont ré-intégrées à partir du programme. Autrement dit, d’un programme à partir duquel on enseigne à l’enfant des matières séparées, distinctes et closes, tu peux, dès que tu y réfléchis, faire communiquer. Les matières ne sont plus cloisonnées.

Mon idée serait donc de faire péter le programme, de l’intérieur, de par sa thématique. De fabriquer une sorte de parodie du manuel. Afin de montrer, à partir d’exemples pris dans les manuels ou ailleurs, que là où tout disjoint, il y a une certaine solidarité.

Il faut faire communiquer ce qui ne communique pas, de façon que les problèmes entrent, émergent à partir des objets et des exemples qui sont ceux de l’expérience de l’enfant.

On peut ainsi s’affronter à un nouveau type de pensée qui peut très bien fonctionner dans la mesure où l’on possède des données éthologiques - ou autres - puisque nous parlions des sciences naturelles. Mais ça peut être valable en géographie. C’est très intéressant. Cette idée de Brandon CARTER, du principe anthropique qui permet de concevoir un Univers capable de produire des êtres vivants et pensants est très excitante. Car alors, la planète Terre n’est plus isolable. L’idée anthropique t’oblige à tenir compte de l’observateur. Dans tout phénomène, il faut introduire l’observateur dans l’environnement qu’il observe et par là même, le modifie. Ce sont des notions que l’on doit pouvoir aborder dans les classes primaires. Il existe des cas où tu peux le faire clairement en renvoyant à des sources très nettes. Dans d’autres cas, c’est moins aisé car les données sont insuffisantes. Mais on doit pouvoir réfléchir au moins sur le principe.

Danielle DEBRAY - Qu’il y ait un centre, mais que les limites soient reculées à l’infini !

E.M. - Voilà. Moi, je ne connais pas concrètement les manuels scolaires. Aussi, ce manuel idéal, je l’ai vu abstraitement. Il ne devrait pas avoir nécessairement une forme hyper-scolaire - celle des manuels traditionnels. Non. Il devrait répondre aux problèmes qui sont posés...

D.D. - Je verrais ce manuel avec un thème de départ.

M.D. - Arbitraire ?

D.D. - Pourquoi pas ? A partir d’un thème de départ, voir ce qui peut venir se greffer par relations de causalité, par analogies, par relations sémiologiques, etc... Avec des boucles, des pseudopodes, des digressions...

M.D. - Un manuel qui soit l’illustration de ce que le cerveau produit lorsqu’ il fonctionne, avec sa logique, son illogisme, ses coqs-à-l’âne, ses retours en mémoire, ses fantasmes, sa réflexivité, ses interrogations, sa créativité ? Ce qui nous gêne dans le mot manuel, outre le fait que FREINET ait dit « Plus de manuels! Plus de leçons ! », c’est qu’un manuel est un livre normatif. Ce que tu décris est l’inverse d’un manuel. On pourrait l’appeler anti-manuel. On pourrait même parler- par analogie - d’intellectuel : un intellectuel de géographie, un intellectuel d’histoire, un intellectuel de savoir-vivre, intellectuel du parfait soldat, pourquoi pas ? Étant bien entendu que cette spécialisation est absurde puisqu’un outil de cette sorte ne peut être que transdiciplinaire...

E.M. - Oui. Tu ne peux évidemment pas faire un manuel d’histoire plus un manuel de géographie plus un manuel de sciences-nat’, etc... Il faudrait au contraire prendre ces différentes matières et montrer les connexions qu’il y a à faire.

M.D. - La pluridisciplinarité - à défaut de transdiciplinarité - est recommandée depuis longtemps par les Instructions.

E.M. - Bien entendu . Tout le monde le dit, mais personne ne le fait. C’est la tarte à la crème, tu comprends! Aussi, il faudrait montrer que cela est possible, que cela doit pouvoir se faire !

M.D. - C’est évidemment un beau projet. Et je crois que notre Évangile-anti-Évangile que nous avons écrit à plusieurs est une amorce du Manuel-anti-manuel dont tu rêves. Par son côté contradictoire, concentrique, excentrique où les auteurs ne sont pas des êtres désincarnés mais des personnes qui s’impliquent bel et bien ! Par le fait que nous avons dû arbitrairement nous fixer une fin, alors qu’il ne pouvait pas y avoir de fin à ce travail qui ressemblait davantage à une démarche analytique qu’à un traité de pédagogie ! Nous sommes loin d’avoir fait le tour du problème car il n’y a pas de tour, c’est-à-dire pas de périmètre, pas de limites. C’est plutôt une spirale.

Dans le quotidien des rapports enseignants-enseignés, lorsque les enfants posent de vraies questions : D’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? les questions fondamentales sur la mort et sur l’amour, beaucoup d’enseignants fuient ou refusent d’affronter la crudité et l’urgence de la question. Car ce type de questions est perçu comme un énorme danger par l’individu adulte qui a souvent refoulé ces interrogations fondamentales. Il se réfugie donc dans le cadre rigide des programmes - qui ne le sont que si on les rigidifie volontairement. Ce n’est pas le moment... On verra ça plus tard.... Ce n’est jamais le moment et il n’y a jamais de plus tard ou alors, oui, à l’occasion d’une rare confidence, en fin de cycles d’études. Et l’élève constate - alors qu’il est trop tard ! - que ce maître ou cette maîtresse avait une âme ! On ne lui avait montré qu’une fonction...

Nous nous sommes donc prioritairement attachés et attaqués à cette forme de névrose enseignante, en secouant parfois vigoureusement le cocotier, parce que ce travail de provocation - j’allais dire de pro-vocation - nous a semblé absolument nécessaire comme préalable.

E.M. - Est-il efficace d’attaquer de front des structures mentales et institutionnelles bloquées ?

M.D. - Je l’ignore. Nous l’avons fait. Je l’ai fait particulièrement. Sans doute parce que j’en éprouvais le besoin intense. Besoin de secouer, de réveiller. Besoin aussi de me singulariser, de m’affirmer dans la différence tout en disant : « Halte-là, le marginal, ce n’est pas moi, c’est vous ! »

E.M. - Ceux qui sont à l’intérieur des structures bloquées en sont prisonniers.

M.D. - Nous avons fait l’effort d’en sortir. Mais peut-être n’y étions-nous non plus jamais totalement entrés ?

E.M. - II me manque un peu le matériau des manuels pour stimuler ma réflexion. Vous connaissez le problème mieux que moi. Vous pourriez donc vous lancer dans la confection -non pas servile - de l’anti-manuel ou du Manuel des Manuels...

M.D. - L’ANTI-MANUEL DE FRANÇAIS (Claude DUNETON & Jean-Pierre PAGLIANO - SEUIL -1978 ) a déjà été fait - avec un certain bonheur d’ailleurs, par Claude DUNETON. C’est un bouquin intéressant, drôle, qui fait réfléchir. Je préférerais pour ma part le Manuel d’Emmanuelle !

L’anti-manuel bête et méchant, le sottisier, c’est facile. Il y a suffisamment de matière. Je te donne un exemple. Voilà. Aux Éditions Studia, de Marcelle CHARPENTIER, ré-éducatrice, cet admirable titre : RÉÉDUCATION DE LA DYSLEXIE - Avant la lecture. Je ne l’invente pas ! C’est écrit !

Si un maçon dit : "Je ravale la façade d’une maison dont je n’ai pas encore creusé les fondations", on le prend pour un dingue. C’est pourtant ce qui est dit et fait avec ce manuel de rééducation ! Nous sommes en plein délire !

E.M. - II faut montrer que là où une porte se ferme, on peut aussitôt en ouvrir une autre. Là où l’on voit que tous les processus de pensée cloisonnée se mettent en place, aussitôt, mettre en marche, dès le départ, un processus de pensée ouverte. C’est mon idée. C’est une institution et je crois que cela doit pouvoir facilement se trouver en résonance avec la tendance naturelle de l’enfant.

J’aimerais que vous exploitiez cette possibilité d’imaginer non pas un manuel idéal, mais une sorte de guide. On prend des exemples dans les maths, la géo, l’histoire, etc. et on montre comment ces connaissances tout en gardant l’acquis de la pensée analytique, évidemment - méritent d’être tout de suite - non pas mises dans des cases cataloguées - mais tout de suite reconnectées.

M.D. - Mais c’est ce que nous essayons de faire dans nos classes !

E.M. - Certes. L’improvisation de l’enseignant montre que chacun pourrait improviser, à condition d’être propulsé par un enthousiasme, celui de connaître et de découvrir. Vous, vous le faites par conviction et par réaction à l’enseignement figé des manuels scolaires.

D.D. - Je n’utilise pas de manuels, mais des livres !

E.M. - II y a une difficulté qui vient de mon ignorance de cette pratique qui est la vôtre et de votre connaissance des manuels. Mais c’est une intuition que j’ai.

Je prends le thème ordre/désordre/organisation. Je pense que c’est un thème qui peut être donné aux enfants très tôt. On leur dit : II y a des lois dans la Nature. Dans le premier regard, le ciel apparaît comme un fouillis d’étoiles. Un second regard, et tout est merveilleusement ordonné : il n’y a pas d’horloge plus merveilleuse que notre système solaire, par exemple. Mais un troisième regard où entrent les dimensions de l’espace et du temps, et l’on s’aperçoit que tout ça est en genèse, des soleils explosent, des mondes se font et se défont, etc. Or, c’est le second regard qui est privilégié dans les classes.

M.D. - Rémy BOBICHON rattache cette notion triple de génitrice ordre/désordre/organisation au vécu du groupe-classe qui se crée, se délite et se recrée, avec des poussées en avant, des régressions, des stagnations, des erreurs, du bruit, des lois qui se mettent en place.

Il est très important de comprendre pourquoi on s’en tient généralement au second regard dont tu parlais : celui qui ordonne et qui fige. Je crois que la peur est à l’origine de cette fixation. Mais, que tu acceptes ou non le désordre, que tu en joues ou que tu en sois le jouet, il existe et se manifestera de façon plus ou moins contrôlable et parfois violente.

E.M. - Oui. Ordre et désordre sont inséparables, comme la vie et la mort. C’est l’expérience de Von FOERSTER. Tu mets dans une boîte des cubes aimantés. Tu agites la boîte. Aussitôt, les cubes s’organisent de façon du reste assez subtile. C’est une expérience que l’on peut réaliser avec des enfants de n’importe quelle classe. Jusqu’à présent, c’est démontré à un niveau que ne comprennent pas encore très bien les plus éminents professeurs d’université. Mais c’est une chose que l’on peut faire comprendre en disant : "Voilà. Que s’est-il passé ?". D’abord un principe d’ordre qui est l’aimantation, qui est en même temps un principe de sélection. Deuxièmement, une énergie non-directionnelle. Tu secoues la boîte au hasard. C’est du désordre énergétique. Et l’on voit bien qu’à partir du moment où tu as ces deux éléments, tu obtiens des organisations riches et intéressantes. C’est à la fois un jeu, une démonstration et un point d’ancrage de la réflexion. 

Moi, je vois ce manuel, à partir de types d’expériences concrètes de ce genre. Mais le point de vue que tu signales qui est très juste et qui concerne le vécu de la classe nous renvoie à la question: "Qui sommes-nous ? Qui sommes-nous, nous - c’est-à-dire l’adulte chargé d’éduquer des enfants et les enfants eux-mêmes ? On vous envoie à l’école. Ça a l’air naturel. Mais est-ce que ça l’est vraiment ? On vous sociabilise. Je suis, moi, enseignant chargé de vous sociabiliser. Qu’est-ce que ça veut dire ?"  Une fois que tu tiens le bout du fil, tu tires et peu à peu tout l’écheveau vient avec.

M.D. - C’est exact. D’où le paradoxe du manuel... Tu le dis toi-même. Quel que soit le bout par lequel on commence, on finit toujours - à condition de le vouloir - par déboucher sur d’autres aspects qui aboutiront aux grandes questions. Le problème est de faire le premier pas. Et de continuer. Cela revient à vaincre la peur d’affronter les grandes interrogations fondamentales, c’est-à-dire, au bout du compte, soi-même et le sens de sa propre existence.

E.M. - On pourrait imaginer un truc assez parodique. Soit sous la forme d’un manuel : nous en avons parlé, soit sous une forme plus magistrale et didactique.

Première leçon : Qu’est-ce qu’une classe ? Pourquoi êtes-vous ici ? Une sorte de leçon - le mot est mal choisi : maïeutique serait plus approprié : une élucidation du phénomène-classe où l’on ferait émerger le non-dit. Chaque classe a sa réalité clandestine, tout ce qui est désordre toléré parce qu’inévitable et de surcroît organisateur : le code d’honneur, la solidarité face à l’autorité contraignante, etc.

A partir de ces problèmes inhérents à la vie de groupe, tu débouches nécessairement sur l’idée de morale, d’éthique. Morale individuelle, morale sociale. Tu peux confronter les différentes morales qui existent ou qui ont existé selon le temps et l’espace. Et tu repars à la découverte du monde : physique, biologique, humain. Peut-être ne faut-il pas se laisser emprisonner par des critères en disant la Vie... Qu’est-ce que le Vivant ?

M.D. - C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de commencer notre Évangile-anti-Évangile en insistant sur la singularité de la Vie. Ce n’est pas un choix hasardeux, innocent ou pour faire joli ! Il nous a paru essentiel d’asseoir notre réflexion et notre discours sur ce que le Vivant a d’inédit et d’unique.

Ce que tu écrivais en 61-62 dans le VIF DU SUJET et que nous avons repris est, comme tu le dis, un exercice improvisé d’élucidation du vécu et de l’information des mass-médias, au jour le jour...

Or l’improvisation, dans le monde enseignant, c’est quelque chose de dangereux qu’on ne laisse qu’aux artistes, aux funambules de la pédagogie.

E.M. - II y a énormément de problèmes à faire surgir. Il est vrai que l’improvisation suppose autonomie personnelle, culture, travail auto-hétéro-co-didactique. Il est vrai qu’on ne peut pas faire l’impasse sur l’auto-analyse et l’auto-critique. Et qu’en plus, auto-analyse et auto-critique peuvent être des alibis à une auto-justification, et ainsi de suite...

J’en discutais avec un type.

« Vous voulez un homme nouveau ! me disait-il. »

Ce n’est pas un homme nouveau qu’il faut ! L’homme nouveau existe déjà. Il est dans le cerveau de chacun de nous. Mais nous n’utilisons pas notre cerveau à plus de 15 % de ses possibilités, disait EINSTEIN.

Quand on écoute le discours des politiciens, en même temps qu’on peut adhérer totalement, on SAIT qu’ils simplifient. Personne n’est dupe. Il y a des refus, des résistances, une sorte d’apolitisme qui signifie qu’on ne veut plus qu’on nous bourre le mou ! Mais ça confine à la parano ! Car on finit par se méfier de tout ! Or, on doit se méfier de sa propre méfiance.

Nous sommes dans un monde dont nous ne percevons que les aspects négatifs. L’ancien cosmos est perdu, on a perdu le centre du monde, on a perdu Dieu, on a perdu le monopole de la raison. Nous sommes devenus marginalisés, relégués dans les banlieues de la Galaxie, rejetés à la périphérie.

NOUS SOMMES MARGINALISÉS, MAIS PAS INSIGNIFIANTS !

Puisque nous pouvons concevoir l’Univers comme producteur de conscience. NOUS SOMMES LES ENFANTS DU COSMOS. Cela doit être dit. Il ne faut pas que ce soit de la vulgarisation stupide, ni un encyclopédisme global. Il faut mettre l’accent sur la difficulté de penser et de vivre. Sans éluder les problèmes.

Peut-on faire un truc pour les gosses sur le thème « vivre demain une autre vie » ? Moi, je dis oui.

L’Évangile-anti-Évangile à l’usage des éducateurs était un travail collectif (Danielle & Michel DEBRAY, Rémy BOBICHON, Claude DUVAL) qui est resté à l’état de gros et informe manuscrit. Il était, selon les termes d’Edgar MORIN, monstrueux, énorme, hors-norme. Donc impubliable. Rémy BOBICHON, co-auteur, le considérait lui-même comme disparate.

Cependant, sa lecture incita François RICHAUDEAU, alors directeur des Éditions RETZ à commander à Michel DEBRAY, rédacteur principal, un livre plus modeste : UNE JOURNÉE À L’ÉCOLE RURALE, publié en 1985.

Le manuel trans-pluri-inter-disciplinaire dont rêvait Edgar MORIN est sans doute une folle gageure. Mais Danielle & Michel DEBRAY ont réalisé un ouvrage qui aurait pu s’appeler manuel analogique et que François RICHAUDEAU a préféré intituler JOUONS AVEC LE VOCABULAIRE POUR MIEUX ÉCRIRE - L’homme et son environnement - Associations d’idées, analogies, métaphores - RETZ -1990.

Depuis la conversation (remise en forme) ci-dessus, la pratique de la classe d’une part, l’ouverture aux technologies nouvelles d’autre part et la prise de conscience de la nécessaire médiatisation de la pratique pédagogique enfin ont activé l’urgence de la rédaction d’un ouvrage traversé par les courants suivants :

pédagogie interactive,

pédagogie analogique,

pluralité des formes d’intelligence,

élucidation du vécu individuel et social,

lecture et maîtrise de l’information massive et plurielle.

M.D. Ault, Juillet 1993.  

Mise à jour en 2007